vendredi 25 septembre 2009

Exposition Mémoires de l'eau

Après les phases de collectage, d’écriture et de choix photographiques, des bénévoles se sont retrouvées au cœur du Prieuré
pour s’imprégner des lieux et réfléchir à l’agencement de l’exposition :
"Mémoires de l'eau : Souvenirs réels ou imaginaires de la Loire"
du 7 au 19 octobre

Luc Jolivel, chargé du patrimoine, les a accompagnées dans cette démarche.



Les pêcheurs, les bateaux-lavoirs ou le pont de pierre pendant la guerre

Consigne : s’inspirer des extraits de presse concernant la destruction
du pont de pierre en juin 1940 et la mise en place de contrôle pour passer d’un côté du fleuve à l’autre, en faisant parler un témoin

Denise LG

Quel charivari dans la ville, les allemands arrivent à vive allure, quelle angoisse, ils ne sont pas commodes dit-on, ce n’est pas le moment pour moi d’aller taquiner l’ablette ou le goujon. Aïe les militaires du génie font sauter la 3ème arche du pont, certains d’entre nous sont consternés, d’autres très enthousiastes, si la bataille se passe à La Charité quel gâchis !
Si les allemands sont arrivés jusque chez nous sans encombre, je ne vois pas très bien quelle résistance efficace ils vont trouver ici, les jeunes ont été mobilisés, ils ne restent que les vieux, les femmes et les enfants. S’ils se sentent coincés ils vont devenir méchants.
Que puis-je faire avec mes 70 ans ? je connais bien tous les chemins, tous les sentiers, mais traverser la Loire en dehors du pont me paraît bien plus périlleux.
Maintenant nous croisons les tenues vert-de-gris, l’absence de pont les contrarie mais ne les arrête pas, certains traversent avec les véhicules amphibies, ils s’installent et jettent une passerelle métallique sur toute la longueur de l’arche écroulée.
Un silence lourd s’abat sur la ville, il va falloir vivre avec eux, à la mairie on délivre des laissez-passer pour aller sur les lieux de pêche, il m’en faut un si je veux continuer à vivre. Comment accepter de quémander quand je suis chez moi, que depuis tout gamin je fais ce que je veux n’importe où sur les bords de la Loire, de ma Loire, cela me coûte de devoir chaque jour, matin et soir, m’arrêter à la guérite et montrer mes papiers (« papir », pas pire !!!).
1940, 1941, 1942, 1943, ils restent là, c’est long, depuis peu on sent chez eux une certaine excitation et de l’Inquiétude, un travail de réfection du pont est entrepris puis stoppé, le débarquement est annoncé. En septembre 1944 les allemands quittent La Charité, en cadeau de départ ils détruisent le reste du pont côté ville. Quel crève-cœur !!
Après l’hystérie de la libération, entre joie, chagrin et vengeance je peux reprendre mon activité de pêcheur libre, une passerelle métallique est installée.
Vivrai-je assez vieux pour voir de nouveau un pont de pierre enjamber paisiblement le fleuve ?


Rita


Maman n’aime pas trop que je traîne avec Félix. Elle a peur, c’est la guerre ; elle est toujours triste surtout depuis que papa est prisonnier loin, très loin de la Charité.
Félix, c’est mon grand copain. Plus qu’un copain, un frère. Lui et moi, c’est à la vie à la mort.
Quand on sera grand, on sera chercheur d’or. De l’or, on en a bien cherché mais on n’a rien trouvé.
Si, une fois, une médaille comme celle qu’on m’a offerte pour ma communion mais Félix dit que c’est pas de l’or et le crois. Il est plus grand que moi, c’est presque un homme ; il a déjà un bateau qu’il laisse souvent à quoi, près à partir pour des expéditions de chasse. De chasse à quoi ? Peu importe… j’aimerais tellement embarquer avec lui et partir loin d’ici !
C’est pas que j’aime pas maman, mais elle est si triste ! Et si je trouvais de l’or, je lui en ramènerais plein, on se ferait construire un château, le château des pêcheurs on l’appellerait.
parce que moi, la pêche, j’adore ça. Mais attention, pas n’importe quelle pêche. Moi, ce que je préfère, c’est la pêche au blé, un truc que m’a appris Eusèbe, un drôle de type, grand, maigre, le teint mat, l’air toujours en colère mais gentil comme tout.
« Tu vois, petit, m’a-t-‘il expliqué, tu prends du blé et des harengs saurs arrosés d’eau de Pougues et tu laisses macérer. Tu vas voir, c’est autre chose que leurs asticots élevés au biberon.
J’ai jamais osé lui demandé pourquoi il fallait que l’eau vienne de Pougues ni lui dire que l’odeur de la mixture me donnait envie de vomir. Ça pue que c’en est pas croyable. Même mes vêtements s’imprègnent de l’odeur et maman râle à chaque fois quand je rentre. Mais elle est bien forcée d’admettre que ça marche et elle se radoucit en voyant tous les poissons que je lui ramène.
Il y a aussi Charles qui m’a appris à pêcher le saumon. C’est un vrai champion, il a même eu sa photo dans le journal… neuf saumons, de quoi avoir le sourire, disait la légende. Mais il ne souriait pas, Charles, sur la photo, il avait l’air drôlement sérieux. Je crois bien que c’est ce jour-là qu’il avait découvert le corps de Joseph, face Vauvrilly, pauvre Joseph… alors, forcément…
Et puis Charles et moi on se voit souvent. C’est notre passeur ; comme le pont est détruit et qu’on n’a pas de barque, c’est lui qui nous fait passer d’une rive à l’autre et pendant ce court temps il m’apprend comment installer le filet barrage pour attraper les saumons, manier la trouble pour les ramener à bord, il me montre la gourme où les conserver.
N’empêche, j’ai beau aimer la pêche, je serai quand même chercheur d’or et ce soir rien ne m’empêchera de partir à l’aventure avec Félix, même pas le regard triste de maman.



Françoise G : Le concours de pêche

Ce matin, je me suis levé de bonne heure et de bonne humeur (pourtant j’aime pas beaucoup me sortir des draps bien chauds et surtout à l’aube. Maman est toujours obligée de m’appeler plusieurs fois pour aller à l’école mais là, non ! )
Je vais à la pêche avec mon pépé Pierre et même au concours de pêche ! Mon pépé y m’a dit tu verras, c’est chouette. Je suis déjà allé à la pêche avec mon pépé qui accroche les vers et décroche les poissons, moi ça me dégoûte un peu.
Je ne sais pas très bien ce que ça veut dire un concours de pêche.
Mon pépé m’a inscrit.
Il m’a montré la carte avec mon nom, je vais la garder comme souvenir. Nous voilà partis, la canne et l’épuisette sur l’épaule, la boîte tabouret à la main. La boîte tabouret de mon pépé, quelle merveille !!
Moi, je n’ai que mon sandwich et une bouteille d’eau dedans mais pépé il a des hameçons, des mouches, des cuillers toutes brillantes. Les mouches, mon pépé il les fait lui-même et memée Louise n’aime pas qu’il arrache des plumes au coq, aux pintades et même à son plumeau !
Je n’ai pas trop le droit de toucher à tout ça. Je pourrais me piquer ou ce qui est pire encore emmêler les fils de nylon transparents. Pépé n’aime pas démêler ces fils, il peste : « Nom de Dieu de Bon sang de Bonsoir ». J’aime bien quand mon pépé jure mais memée elle n’est pas contente : « Pas devant le petit ». Elle vient aider pépé à démêler tout ça. Memée c’est une experte en démêlage (elle a l’habitude avec son tricot et son chat qui se fait un plaisir de tourner autour des pieds de chaise aussitôt qu’il peut saisir une pelote de laine).
On arrive sur les bords de la Loire. Pépé grogne et jure entre ses dents parce qu’il ne peut pas choisir sa place et que c’est Jules son pire ennemi pêcheur qui a tiré sa place favorite à l’ombre du grand arbre noueux.
On nous lit le règlement.
On jette notre appât.
On installe nos lignes.
Et le concours commence au coup de sifflet. On a 3 heures pour faire la meilleure pêche possible.
Tout est calme, les pêcheurs se concentrent, le public attend.
Alors, pépé me raconte les concours d’autrefois.
La rue principale de la Charité était pavoisée : des guirlandes, des drapeaux … Ca durait toute la journée.
Le matin à 8h00 on tirait une salve d’artillerie, on sonnait les cloches.
On se rendait à la gare pour accueillir les délégations des villes voisines. On venait de Nevers, Guérigny, Cosne, Prémery, Imphy, Fourchambault, Cercy-la-Tour, …
Quand ils descendaient du train bannières dressées la Philharmonie jouait des airs entraînants. Casquette en tête, les musiciens avaient fière allure.
Tout le monde se connaissait, ou s’apostrophait, on riait, on se remémorait les grands moments vécus ensemble.
Mémé accompagnée pépé, elle retrouvait les autres femmes de pêcheurs et elles aussi s’apostrophaient, riaient, se remémoraient les grands moments vécus ensemble.
Mémé ne venait plus au concours de pêche, elle était trop fatiguée et ses vieilles jambes ne pouvaient plus la porter et puis elle n’avait plus de copine dans les femmes de pêcheur.
Puis on redescendait vers la Loire, les notables en tête. Ces dames arborant de jolis chapeaux champêtres.
La société de pêche de pépé, c’était L’Ablette comme maintenant. Chaque société avait son nom brodé sur une bannière avec ses emblèmes.
Dans les sociétés, on se disputait pour être le porte-bannière alors on votait la veille.
Il y avait quelquefois des amertumes mais on riait après.
Chacun s’installait, les places étaient tirées au sort.
Au signal « Commencez le feu ! » le concours démarrait et ce qui était le plus drôle c’est que chaque fois qu’un poisson était sorti de l’eau, on sonnait le clairon. En ce temps là, il y avait beaucoup de poissons en Loire et le clairon de chômait pas. C’était joyeux.
A midi, il y avait une pause. Les femmes sortaient le pique-nique et l’installaient par terre sur une grande nappe à carreaux. On sortait les fillettes de vin de pays et ma foi ça s’échauffait un peu. L’après-midi, le concours se poursuivait avec les champions du matin. Les quolibets, les commentaires fusaient.
En fin d’après-midi, on sonnait la fin du concours et on pesait les poissons, tous les poissons. Y’avait pas de loi qui obligeait à rejeter à l’eau les poissons trop petits, comme maintenant.
Y’avait toujours de la contestation. Bien sûr !
Et puis, les gagnants étaient proclamés. Les prix attribués c’était plutôt intéressants 50Francs en argent et des prix en nature.
Moi, j’ai gagné une fois mais Jules lui a gagné deux fois, tu vois bien que c’est mon ennemi juré. Et dire qu’aujourd’hui encore il a tiré la meilleure place.
On donnait le poisson à l’hôpital, de quoi régaler tous les malades.
Le soir on remontait la ville pour raccompagner les délégations des autres communes. On mangeait dans une petite guinguette au bord de l’eau et on profitait de la fête : les manèges, le bal, une bataille de confettis, le concert de la Philharmonie et l’embrasement de la Saulaie.
On rentrait tout excités à la maison memée et moi.
On avait passé une merveilleuse journée.
Tu vois maintenant c’est moins drôle, il n’y a plus de musique et puis je n’ai plus beaucoup d’amis parmi les pêcheurs, tout le monde vient en voiture, il n’y a plus de fête ; il y a des règlements pour ci et pour ça. Et memée ne vient plus.
Oui mais moi, j’aime bien le concours de pêche avec mon pépé.
J’aime bien quand le fil se tend, quand le bouchon s’enfonce, quand on empoigne l’épuisette, quand on regarde le poisson tourner dans le seau.
J’aime bien quand le fil casse à cause des herbes ou quand il se prend dans une branche et que mon pépé jure et que ma mémé n’est pas là pour l’empêcher et qu’on rit tous les deux.


Patricia A : La fête aux poissons !

-« Mamie, mamie, dit ……cette photo c’était le jour de ton mariage ? Tu étais drôlement belle dans ta robe blanche !
Le bonhomme a côté de toi, au chapeau tout plat et aux grosses moustaches, il avait pas l’air d’être gentil …c’était quand même pas papy ?!
Mais au fait, il était ou papy ? .. C’était lui que tu attendais ? C’était pour lui la grande banderole « Soyez les bienvenus ! » Mais pourquoi les ? Pourquoi vous aviez écrits cela puisqu’on dirait que vous étiez pas contents ? En plus vous attendiez papy et les autres armés de bâton !! Mamie, pourquoi tu voulais taper papy ?

- Tu fais le bécassou ou quoi mon p’tiot. Tu vois bien que ce n’était pas moi, mais ma mère….ton arrière grand-mère quoi. C’était pour un concours de pêche.

- Bin !! pourquoi elle était en robe de mariée ta maman ? Pourquoi ils étaient tous en ligne sous la banderole ? Ils devaient attendre le coup de feu pour partir en courant aux bords de la Loire, pour pêcher ? C’est pour ça qu’une dame se tenait la robe ? Ca devait pas être facile de courir avec une robe de mariée !!

- mais non mon bécassou !! A cette époque les concours de pêche, c’étaient de grandes fêtes !! Chacun mettait ses plus beaux habits. Là sur la photo, les gens attendaient ..

- Bin, ils attendaient qui ? quoi ? Les poissons ?!!!! Mais pourquoi ils sont sur le pont ? Alors les poissons ils arrivaient sur des chariots , comme à l’époque d’Astérix et d’Obélix !! ….. Bin dit donc à l’époque, les gens ils étaient drôlement polis, ils souhaitaient la bienvenue aux poissons !!!!
Maman ! Maman ! Tu sais ce qu’elle vient de me dire mamie !!?

- Chut bécassou !! tu vas faire peur à ta mère …. »

Baignades, risques de noyades, noyés ...

Fin avril, Hervé Mestron est parti. La résidence est close.

Dans nos pensées demeurent des souvenirs de repas partagés, de mots échangés et chose étrange et unique, on a une pensée émue pour les chaussettes
(voir le blog d’Hervé), celles des autres ou bien les nôtres.
Depuis le passage d’Hervé, on a tendance à les regarder autrement et dans l’intimité de notre chambre, on se surprend à entrouvrir leur tiroir pour épier leur discussion.. Merci Hervé !

Hervé est parti mais le groupe a toujours et encore envie
de se retrouver pour écrire.
Les ateliers d'écriture continuent avec comme chef de chœur : Maryline Bizeul.


Françoise G : Baignade

Par ce beau dimanche d’août, les familles se retrouvent sur la plage de la Charité-sur-Loire. Il fait très chaud. Les longues langues de sable se peuplent de groupes colorés. Tous arrivent avec chapeaux, serviettes, parasols, jeux d’enfants et paniers de pique-nique, quelques fois une table pliante et des sièges de toile. Mais le plus souvent on s’installe sur le sable, on étale une nappe à carreaux, on sort les victuailles, on met les bouteilles au frais dans l’eau.

Pour la première fois de l’année (toutes les moissons sont terminées) Jeannette et sa famille se sont installés sur le sable. Il y a le père, pas très content d’être là, la mère épanouie et bavarde et les deux petits frères, deux galopins qui pataugent déjà et puis Jeannette.
Jeannette a ôté sa robe et installée à l’écart sur sa belle serviette bleue ornée d’une ancre marine, elle enduit tout son corps d’ambre solaire, elle prend plaisir à cette caresse sensuelle, puis elle s’allonge, un chapeau de paille sur la tête et un livre à la main pour se donner bonne contenance.

Elle n’a pas du tout envie de lire, elle veut juste se dorer au soleil, ce qu’elle n’a jamais l’occasion de faire à la ferme car ses parents (et surtout son père) lui trouvent toujours quelque chose à faire.

Elle aurait bien aimé avoir un maillot de bains deux-pièces comme elle en a vu dans un magazine de mode chez le coiffeur, elle n’a pas osé le prendre ce magazine mais elle se souvient bien des jolies silhouettes des mannequins. Elle doit se contenter de son maillot bleu marine bien couvrant.
Finalement, elle se trouve assez jolie dedans, la petite ceinture blanche marque bien ses hanches et on devine sa poitrine bien ferme sous le tissu un peu trop épais.

A plat ventre sur sa serviette, soi-disant plongée dans son livre, elle jette des coups d’œil au voisinage. Son père somnole, sa mère s’affaire, ses frères creusent le sable, personne ne s’occupe d’elle.

Un groupe attire son attention : trois jeunes gens qui ayant laissé leurs affaires regroupés sur une natte de raphia jouent au ballon et quelquefois courent dans l’eau en s’éclaboussant. Il y en a un qui l’intéresse particulièrement, ce n’est pas le plus costaud mais il est grand et mince, ses cheveux châtains et bouclés sont en désordre, il porte un débardeur blanc et un short bleu et cela lui va bien.

Elle l’a déjà aperçu passant en vélo devant la ferme ou roulant dans un gros tracteur vert sur la route de la forêt, elle a appris aussi qu’il joue de l’accordéon dans les bals su samedi soir.
Elle jette des petits coups d’œil et fait semblant de se replonger dans son livre et parfois croise son regard, enfin elle a l’impression de croiser son regard. Mais oui, il la regarde aussi c’est sûr. Du coup, elle n’ose plus lever la tête cachant sa rougeur en s’absorbant dans sa lecture.

A table ! claironne sa mère. Elle se lève, regagne le groupe familial. Pendant le repas, elle tourne le dos au groupe des garçons mais elle sent leur présence dans son dos.
Après le repas, il faut se reposer c’est la règle pas question de se baigner avant les trois heures de digestion réglementaire.
Elle retourne sur sa serviette, à l’ombre cette fois. Elle jette un coup d’œil alentour. Et déception ! plus trace des garçons. C’est vrai qu’elle n’avait pas vu de panier de pique-nique, ils sont rentrés chez eux pour manger. Ou peut-être qu’ils n’étaient venus que le matin ? Ou peut-être que ….

Elle ne sait plus, elle ne sait pas, elle en aurait pleuré.
L’heure du bain est arrivée, elle aime se baigner même si elle ne sait pas nager, même si le courant trop fort est un peu inquiétant, même s’il lui faut surveiller ses frères parce que ses parents ne mettent jamais un pied dans l’eau.
Elle s’avance, elle s’asperge et finalement se glisse dans l’eau fraîche et apprécie les caresses du courant sur tout son corps. Elle ferme les yeux pour profiter de l’instant. Chaque parcelle de son corps semble se réveiller.

Et puis on l’éclabousse et puis elle se retourne prête à crier son indignation et puis c’est lui !
Il est si proche, il la regarde. Il n’est pas seul, ses copains sont là aussi.
Mais c’est lui qui parle, qui lui sourit l’invitant à jouer avec eux. Tous les trois sautent, plongent, nagent autour d’elle. Mais il lui dit : « je vous ai vue quand je passais en vélo devant votre cour, je vous ai vu du haut de mon tracteur sur la route de la forêt, je voudrais bien vous voir au bal demain soir »
Elle sourit, n’ose pas répondre encore. Mais elle rougit quand il l’a frôle. Un monde d’émotions nouvelles s’ouvre devant elle.




Dominique D : Jour de Lessive

Il faisait froid ce matin là. C'était jour de lessive. Comme chaque fois, Amélie avait sorti la brouette pour y déposer le grand baquet de linge sale. Son père, mécanicien au faubourg, entretenait les machines agricoles : graisse et salissures s'incrustaient dans les fibres des vêtements.
Il fallait frotter, frotter, mais Amélie aimait être au bord de l'eau, seule, à regarder le fleuve s'étirer majestueusement. Ses pensées pouvaient divaguer et rejoindre Jean son fiancé parti au front.
Depuis plusieurs mois, pas de nouvelles. Chaque matin, elle guettait l'arrivée du facteur, mais en la voyant, il hochait la tête d'un air las. Elle lui offrait un café, espérant s'attirer ses bonnes grâces. Peut-être demain apporterait-il une lettre ?
Ce lundi matin après son départ, Amélie se secoua, enfila des vêtements chauds, sortit et poussa la brouette jusqu'au fleuve. Elle s'installa à l'endroit habituel. Ses doigts gourds étaient maladroits, et le linge raide difficile à manier. Elle plongea ses mains dans l'eau et un engourdissement la prit: ce fut la chute. Elle essaya de résister puis paralysée par le froid se laissa dériver dans un brouillard cotonneux et bienfaisant.


Denise LG

J’aime être au milieu de la Loire, le matin de bonne heure, je vais lancer mes filets avec de grands gestes comme un semeur. La pêche devrait être fructueuse, il le faut car j’ai des commandes de friture pour les restaurateurs de La Charité.
C’est un beau lundi de mai qui s’annonce, frais encore à 7 heures, avec de la brume qui se lève doucement du fleuve, quel calme, quel bonheur, avec promesse de grand soleil.
Tiens ! il est rare de voir des personnes à cette heure sur le banc de sable en amont des bateaux -lavoirs, que font ces deux gugus à parler haut et fort, à rire, à se taper dans le dos comme des militaires en goguette après une soirée de libations. Ils se déshabillent, ils ne vont tout de même pas se baigner, c’est dangereux à cet endroit. Et bien si, ils se jettent à l’eau !! j’ai beau crié et faire de grands gestes, personne ne voit rien, n’entend rien, sur le bateau-lavoir il n’y a personne, lundi n’est pas un jour traditionnel de lessive.
Les nageurs semblent faire la course, ça y est l’un d’eux perd pied, se débat et hurle au secours, trop tard, le courant l’entraîne sous le bateau –lavoir, s’en est fini pour lui, je pense. Nos hurlements ont alerté les gens du bord de Loire qui assistent impuissants à cette scène dramatique. Pour retirer le corps du jeune homme, il a fallu déplacer le bateau-lavoir.
Le cœur lourd j’ai repris ma tâche de pêcheur sans enthousiasme, pourtant la journée s’annonçait si belle.
Par le journal du mardi, j’ai su que l’autre garçon était sorti sain et sauf de l’eau, mais comme il était en tenue d’Adam, ce sont les gendarmes qui l’ont accueilli sous les yeux mi rieurs, mi scandalisés des badauds.
La Loire a une fois de plus englouti un imprudent. Attention à elle, c’est une traitresse, mais elle est si belle qu’on ne peut lui en vouloir.

Patricia A

Article « Courageux sauveteur : un émigré des régions envahies … à ce simple et courageux émigré .. »

Mon pays me manque….l’odeur de ma terre, le sourire de ma femme et de mes enfants. Ici, je ne suis rien pour personne. Je ne suis que deux bras qui travaillent à longueur de journée. Je dors dans une petite chambre perdue sous les toits. Je ne suis qu’une ombre sale qui glisse dans les rues ..l’ombre de qui ? de quoi ? celle d’un chien ? l’ombre de l’ombre d’un homme venu d’un pays lointain, d’un pays de barbares, d’incultes, de sauvages ..un pays ? non une contrée d’une région envahie.

Dimanche, quand j’ai vu le petit garçon ballotté comme un bouchon dans les eaux de la Loire, mon sang n’a fait qu’un tour ! C’était mon fils, mon frère qui se noyait. Chez nous l’enfant d’un homme est l’enfant de tout le village.
C’était mon enfant qui était dans l’eau. J’ai plongé ! Je sentais tous les muscles de mon corps se contracter et faire bloc pour affronter la force des courants. Lutte du corps d’un homme d’ombre contre un fleuve royal..
Me battre contre les courants pour vivre, survivre, sauver, je sais faire. Mon quotidien est un combat pour vivre et sauver ma famille là-bas au bled.
Quand j’ai attrapé le garçonnet dans mes bras, tout son corps était comme électrisé ! Il hurlait ...je lui ai crié quelques mots ...mais il n’entendait pas.

Quand nous avons atteint la berge, il est devenu entre mes bras comme un pantin cassé, muet, qui ne bougeait plus. Je l’ai serré dans mes bras, contre mon cœur, ma chaleur, je l’ai bercé et je me suis mis à lui fredonner une berceuse de mon pays, une chanson qui parle d’amour et de vie… une petite ritournelle de mon enfance. Au bout de quelques instants, j’ai senti son corps se réchauffer, ses yeux, se sont ouverts et j’ai vu deux pupilles noirs comme celles de mon fils et je me suis mis à pleurer.

Puis la foule est arrivée, on me tapait dans le dos, on m’a arraché l’enfant des bras.. et je suis devenu pour quelques instants un simple et courageux émigré avant de redevenir une ombre sale qui glisse dans les rues.

Rita P: Paroles de Loire

Capricieuse, moi? Capricieuse comme une femme? Idiot et sexiste, en plus. Oui, je sais, on n’imagine pas qu’un fleuve puisse parler de sexisme, mais c’est comme ça. Je suis la Loire et fière d’être un fleuve au féminin.

On me dit dangereuse, on met les pères et mères de famille en garde, on envoie des inspecteurs de police chasser les enfants qui se baignent dans les « endroits non désignés par l’autorité ». Quelle autorité ? De quel droit ces créatures ridicules décident-elles des lieux que les baigneurs peuvent fréquenter ?

En réalité, c’est moi seule qui choisit, et parfois, je l’avoue, c’est plus fort que moi, je ne peux pas m’empêcher de serrer un corps un peu trop fort, de l’entraîner malgré lui ; mais ce n’est ni caprice, ni cruauté de ma part. Simple maladresse.

En général, je les accueille avec bienveillance ces baigneurs qui viennent retrouver dans mes eaux des sensations d’autrefois, d’il y a très, très longtemps, quand les hommes étaient encore des poissons… enfin, des poissons, façon de parler, des créatures aquatiques, des animalcules…. Tout le monde sait désormais que l’eau est la source de la Vie, avec un grand V.

Il faut les voir de près ces gens respectables qui n’hésitent pas à se mettre à moitié nus pour s’ébattre dans l’eau comme des gamins.
« Ces personnes de qualité au négligé impeccable », comme dit le journal. Eh oui, je sais ce qui est écrit dans le journal .ça vous épate, hein ?
Impeccable, tu parles ! quand je pense qu’il y en a qui n’hésitent pas à faire pipi dans l’eau… Ou pire encore. A jeter leurs secrets dans la flotte ou à noyer leurs voisins, leurs époux, leurs amis, leurs parents quand ils veulent s’en débarrasser.

Quant aux gamins, les vrais, ils batifolent comme de petits animaux enfin rendus à la liberté.
Ceux-là je les aime ; Entendre leurs rires sonores, les sentir courir, s’éclabousser, les cheveux mouillés, les yeux brillants…
Alors parfois, oui, je l’avoue, je ne peux pas m’empêcher de vouloir en garder un ou deux avec moi, en moi.
Mais de là à m’envoyer la police…


jeudi 24 septembre 2009

Autoportrait

Sur une demi-feuille, en deux phrases, chaque participant doit se décrire.
Les mots posés, les feuilles sont pliées et Hervé redistribue au hasard les feuilles.

A partir de ce support, chacun doit faire un autoportrait en mettant en scène soit un livre, soit un événement important de sa vie.

Anaïs D

Là, devant moi, un bébé. Bien que je me sois préparée à ce bébé, il était là. Son odeur me rappelait vaguement quelque chose, cachée au fond de ma mémoire. La première chose que je dis est sortie sans réfléchir : “Il sent bon la maman”. J’ ai appris, un peu plus tôt, qu’il s ' appellerait Matéo et que maintenant, à la maison il n’ y aurait plus trois mais quatre personnes. Ma maman et mon papa ne serait plus qu’ à moi, je les partagerais. La chambre de maman et papa ne serait plus qu’ à eux, ils la partageraient. Mais toutes ces questions et affirmations sont passées très vite. Car cette petite chose fragile à côté de maman dans le grand lit blanc me perturbait. Au fond de moi, mon cœur s’ agrandissait pour un bébé, un frère, que je connaissais depuis quelques heures seulement. Au début, je me disais qu’ une fille, c’ était mieux. Mais après réflexion, un garçon c’était la meilleure solution et surtout moins de jouets à partager. Rapidement, il a pris place dans ma vie plus que je ne le pensais. Un autre bébé viendra agrandir la famille quatre ans plus tard, mais c’est une autre histoire.
Aujourd’hui, ça fait presque huit ans que je supporte Matéo, mais ça fait aussi huit ans que je l’ aime un peu plus chaque jour.


Denise LG

Pour le championnat d’Ile de France en athlétisme, toute l’équipe des minimes est au top.
Nous devons nous distinguer à la course de relais, c’est notre point fort.
Toutes comme « un seul homme », derrière Antoine le sévère entraineur et sa femme la douce Claire, elle-même belle fille simple et sympa, ancienne championne de saut en hauteur, elle connait les angoisses des jours de compétition, elle nous soutient moralement, nous encourage et nous réconforte de ses bonnes paroles, sa ténacité nous sert d’exemple, on sent qu’elle nous aime et qu’elle nous veut victorieuses, sa générosité nous va droit au cœur.
Grâce à elle et pour elle nous ne lâcherons rien et nous décrocherons la première place sur le podium.

France B

Un violon qui chante,
Un violon qui pleure,
Un violon qui rit,
Un violon qui fait rêver,
Un violon qui fait danser.
La première fois que j’ai vu et entendu jouer du violon, j’ai dit : je veux jouer du violon ! C’était dans ma petite enfance. Mais il fallait apprendre dans une école, avec un professeur, savoir lire et compter, et j’ai dû attendre. Que cette attente était longue !
Enfin, ça y est, j’ai l’âge et les compétences requises. L’apprentissage est quelquefois douloureux mais je me fais plaisir de temps en temps et c’est un vrai bonheur. Il m’arrive d’imiter le son des pompiers et de l’ambulance après avoir cherché comment faire et là, mes parents qui sont toujours à l’écoute me disent que ce n’est pas le programme d’étude. C’est l’école de musique avec les examens et les morceaux imposés. Ce n’est pas ce que je veux jouer pour atteindre mes émotions.
Les années passent….Enfin j’ai l’âge de pouvoir dire non ! Je n’irais plus à l’école de musique et je ne prendrais mon violon que pour jouer ce que je veux ; et pour atteindre ce but le travail ne m’impressionne pas !
J’y suis arrivée, à un âge certain….

Maryline B

Pour faire le portrait d’un oiseau, il suffit parfois de s’appeler monsieur Prévert. Pour faire le mien, il faut s’en doute moins de talent. Cela dit, cela ne coule pas sous le sens. Je ne sais pas dessiner, ce qui limite les possibilités. A partir de quelques mots, je peux bien sûr esquisser une fragile évaluation. Entre ce que je suis et ce que j’aimerais être, il y a parfois l’empire d’un monde. Un livre m’habite depuis quelques temps, « Femmes qui courent avec les loups » de Clarissa Pinkola Estes. Il y est question de la femme instinctuelle, celle qui sait écouter les murmures du monde, celle qui sait regarder au-delà des apparences. La question qui suis-je ? ne m’intéresse pas mais plutôt que suis-je appelée à devenir ? Ce livre évoque plusieurs contes, interprétés avec une grande finesse de ressenti. Je suis fascinée par ces contes qui traversent les âges, porteurs d’une sagesse qui n’a pas de temps. Curieusement, je me sens une certaine affinité avec Baba Yaga, la sorcière nordique comme s’il fallait toujours veiller à avoir une sorcière chez soi, pour le cas où …
Parlez-moi de moi, y a que ça qui m’intéresse paraît-il, ce n’est pas si sûr. Parler de soi, c’est comme décrire un paysage que l’on voit tous les jours, se laisse-t-on encore surprendre par les variations de lumière ? Parfois. A part ça, j’aime les pâtes mais aussi les pattes, celles des oiseaux parfois. Tout à l’heure, en regardant par la fenêtre de la bibliothèque, j’ai aperçu un couple de tourterelles posées sur le grillage d’en face. C’est si fragile, les pattes d’oiseaux. Cela souligne la légèreté des plumes. Et les idées ont-elles des pattes ? Qui peut répondre à cette question ?

Philippe S

Un événement sympathique qui a surement bouleversé ma vie est la venue au monde de ma fille Elodie, âgée aujourd’hui de 20 ans.
Son arrivée parmi nous, ma femme et moi, a été un déclencheur sur ma façon de penser, d’être et de me comporter.
Il n’était plus question de penser qu’à ma petite personne, nous étions maintenant trois sur le bateau de la vie et là j’ai pu comprendre le sens de certains mots mystérieux jusqu’alors, comme : partager, aimer, donner, recevoir.
J’ai aussi appris la patience, la tolérance.
Une grosse partie de mon égo a fini à la poubelle pour laisser place à plus d’humilité et mon petit cerveau a fini par fonctionner d’une autre manière, d’une façon plus universel et moins personnel.
Un grand merci à toi Elodie pour toutes les leçons de vie que tu as provoqué en moi.

mercredi 23 septembre 2009

La lettre

Vous devez rédiger une lettre.
Elle est envoyée de prison et est un appel au secours.

1. Elle doit stipuler :
De quoi êtes-vous accusé ? (à tord)
Ce qui est réellement arrivé ?

2. Elle doit prendre en compte et intégrer des éléments contenus dans le texte suivant :
« Juillet 1914. Maurice et moi, nous sommes chez la comtesse de Hollande, pour jouer un programme Schubert et Beethoven. C’est très agréable. J’ai toujours aimé les endroits chic et l’oreille des princesses. Mozart dans le velours des salons. Vivaldi et le printemps.
Lorsque la guerre est déclarée, entre la France et l’Allemagne, nous devons rejoindre notre contingent. Je n’ai pas mon mot à dire. Je ne suis qu’un violoncelle, au service de la nation. »


Lettre de Denise LG

Bonjour mon ami,

Tu vas rire, Rob, je suis au fond d’un cul de basse fosse, je veux dire à la prison de Nevers, le peu de ciel que j’aperçois ne me réconforte pas, je fredonne les saisons de Vivaldi et l’hiver a remplacé le printemps.


Je suis là depuis juillet 1914, après cette tragique soirée bien arrosée, il faut le dire, où nous nous sommes, soi-disant, battus le violoncelliste et moi pauvre joueur de triangle. Pourtant la soirée, chez la Comtesse de Hollande était prometteuse, tu penses, Schubert, Mozart, Vivaldi et Beethoven tout ça dans le velours des salons, tu imagines. Après le franc succès du concert, le buffet de l’hôtel a lui aussi tenu ses promesses, on s’est même déguisé, je portais une cagoule et je n’ai pas vu grand-chose, c’est là que mes ennuis ont commencés, je ne sais comment le chahut est parti, mais tout s’est retrouvé cassé, brisé y compris le violoncelle de Maurice, pièce rare, objet historique et la raison de vivre de son propriétaire.

Quand la police est arrivée, tous les protagonistes s’étaient égayés dans la nature…
Les policiers me sont tombés dessus et je suis accusé de dégradation en bande organisée, on peut dire qu’un orchestre est une bande organisée (le notre plutôt bien jusqu’à maintenant !)
Je t’assure que je ne suis pour rien dans l’histoire du violoncelle fracassé.

Je fais appel à toi, Rob, tu es mon ami depuis l’enfance et tu es avocat de renom qui plus est, défend ma cause, je t’en prie et sors moi de ce trou, même si je sais que les nouvelles ne sont pas bonnes dans le pays. Si la guerre est déclarée entre la France et l’Allemagne, je pourrai rejoindre mon contingent et me mettre au service de la nation.

Salut à toi, j’attends de tes nouvelles.
Antoine.

Lettre de Dominique D

Lettre de Jean à Marie-Pierre

Il pleut. Un petit coin de ciel gris apparaît derrière les barreaux. La cellule est calme, les copains jouent aux cartes et le temps s'écoule lentement. Depuis mon arrestation , j'ai rencontré le juge une fois, et je sais que je vais être fusillé pour désertion.
Désert de mes pensées qui se raccrochent à ton sourire, Marie-Pierre, et au souvenir des jours heureux.

Un soir, avec les copains, on a décidé de fuir, fuir la vie des tranchées et le reste: la mitraille, la peur au ventre, les hurlements des gradés ...
J'ai marché longtemps, et me suis retrouvé comme en rêve devant le petit château de la Pointe où en juillet 1914 nous sommes venus assister à ce concert, invités par la comtesse de Hollande. T'en souviens-tu ? Surtout du violoncelle au premier rang que des doigts virevoltants faisaient vibrer.
Le violoncelle est parti comme moi rejoindre son contingent, « au service de la nation « comme ils disent.
Je vais mourir demain, pour qui ? Pour quoi ?
Il me reste ton sourire.

Lettre de Françoise G

Chère maman,

Je te fais parvenir cette lettre par l’intermédiaire de mon avocat. J’ai beaucoup hésité à t’écrire, je sais que tu sera étonnée de cette lettre. Cela fait si longtemps que nous n’avons pas été en contact !

Peut-être as-tu appris ce qui m’arrive par les journaux, l’affaire a eu un grand retentissement, bien trop grand si tu vaux m’en croire.
Enfin, si tu ne le sais pas encore, je suis en prison. Je ne peux pas y croire !
Tout est sordide ici, le bâtiment est vieux et surtout très humide. Nous sommes quatre par cachot, chacun a une paillasse et une couverture qui ne donne aucune chaleur tant elle est humide.
Pas de chauffage ! c’est la guerre bien sur. Une petite lucarne trop haut placée. Elle seule permet de se repérer entre le jour et la nuit.
Quand à la nourriture c’est un brouet insipide dans lequel on fait tremper des quignons de pain dur.

Mes trois compagnons sont là depuis longtemps, ils sont si affaiblis qu’aucune réelle communication n’est possible.
Dire que je serai peut-être comme eux dans quelques mois (si je suis encore vivant).
Alors voilà, depuis que je suis ici et que je n’ai aucune occupation, je repense à mon enfance. Je te revois maman dans le salon de la maison, tu joues du piano et moi du violoncelle.
J’ai quatorze ans, je commence à très bien jouer, tu commences à être fière de moi. Mon professeur t’a dit hier que bientôt il te faudrait trouver un autre professeur car il m’a appris tout ce qu’il sait. J’ai vu que tu étais fière car tu rosissais de plaisir.
Je finis toujours par jouer seul ce morceau de Bach qui est ton préféré et que tu écoutes toujours les yeux fermés.

Donc, je suis parti pour Paris, je t’ai laissée à Bordeaux. Je suis parti chez ta sœur. Le conservatoire, les concerts, ..
Je suis remonté quelque fois à Bordeaux, cela m’était nécessaire au début.. Et puis … j’ai commencé les tournées en France et à l’étranger ..tu ne voulais pas m’accompagner. Tu n’es jamais venue à paris et moi je ne suis plus allé à Bordeaux.
Je t’ai écris et tu m’as répondu, mais nous n’avions plus grand chose à nous dire, nous vivions dans des mondes si différents.
Je ne t’ai plus écrit et toi non plus.
Maintenant, je pense à toi, à ton sourire, à tes bras. Maman, je voudrais que tu me prennes contre toi, que tu apaises mes chagrins, mes douleurs comme autrefois.
Mais trêve de rêverie, il faut que je t’explique tout.
Juillet 1914, mon violoncelle et moi nous sommes chez la comtesse de Hollande pour jouer un programme de Schubert et Beethoven. C’est très agréable. J’ai toujours aimé les endroits chics et l’oreille des princesse. Mozart dans le velours des salons, Vivaldi et le printemps. Je suis encore trop jeune pour être incorporé et quelques hauts personnages haut placés (dont la princesse de hollande) se targuent de me protéger. J’échapperai peut-être ainsi à la circonscription.
Je continue à voyager en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Belgique.
Il y a toujours du monde avec moi. La guerre ne me concerne pas. Et pourtant, un matin les militaires entrent dans ma vie.
Je répète mon prochain concert, quand on frappe à la porte. On me demande, et sans rien me dire on m’entraîne de force. Un officier s’empare de mon violoncelle sans le mettre dans l’étui. Je proteste : c’est un instrument précieux. Il rit : oh, oui l’instrument du délit. Et on me jette dans un cachot.
Je reste plusieurs jours sans aucun contact et puis on vient me chercher, on m’entraîne dans un bureau. Mon violoncelle est là, éventré sur le bureau, plusieurs officiers l’entourent. Et j’entends pour la première fois parler d’espionnage. Espionnage ! J’ai bien lu quelques romans sur le sujet. Je finis par comprendre que c’est moi l’espion. C’est moi qu’on accuse.
J’aurais passé des plans militaires secrets, je les aurais transportés au-delà des frontières dans mon violoncelle. Ils sont là ces maudits papiers dans mon violoncelle éventré.
On me les montre.
Je ne sais pas quoi dire. On me dit qu’on a arrêté tout le réseau, y compris la princesse de hollande.
Et je comprends alors que c’est vrai, j’ai transporté des documents sans le savoir. Un militaire est désigné comme avocat. Il n’y a plus d’espoir. Espion en temps de guerre, c’est le peloton d’exécution assuré. Maman, je t’écris
C’est peut-être pour demain
Maman, je t’en prie, écris-moi
Réponds moi
Maman, j’ai besoin de toi.
Ton fils qui t’aime.


Lettre de Lydie D

Au secours, au secours,
Que suis-je devenu, là, renfermé comme un voyou de guinguette des bords de Loire.
Madame la Comtesse, vous souvenez vous de nos printemps, quand les lilas dansaient sur Vivaldi ; aujourd’hui tout est bien fini, je suis blessé, il ne m’ont même pas soigné !
Je suis coupable disent-ils, condamné à perpétuité, à l’oubli !!!
J’ai cassé ma corde pendant une représentation pour les allemands donc pour eux je suis coupable, coupable d’avoir froissé l’oreille de ces brutes qui m’ont longuement maltraité.

Depuis des semaines Maurice et moi sommes renfermé dans cette pièce humide et poussiéreuse, sans peau de chamois pour nous caresser, sans cire pour nous nourrir, sans enfants pour nous chahuter et surtout sans vous pour nous faire jouer, chanter.
Madame la Comtesse venez nous libérer de cette prison, de ce grenier abandonné.
D’un vieux hublot nous apercevons, juste en face, le kiosque à journaux et ce vieux Charlie, vous savez l’orgue de Barbarie.
Maurice est enroué, son cuivre est martelé de coups, mais si nous sortons, nous retrouverons nos sons les plus printaniers, ceux que vous aimez.
Ma corde cassée ne pourra plus longtemps gratter ce vieux parchemin mais si cette lettre vous parvient...un jour, vous saurez a quel point les plus belles notes que nous avons joué étaient pour vous.
Axel votre fidèle violoncelle


Lettre de Maryline B

A vous qui lirez cette lettre, glissée dans une bouteille. Ce ne sera pas une bouteille à la mer mais une bouteille à la Loire.

Depuis plusieurs mois, je suis assignée à résidence à La Charité-sur-Loire. Je dois me cantonner la majeure partie de mon temps à mon deux pièces cuisine, sans moyen de communication avec l’extérieur. Disposant de deux heures de sortie par jour, j’espère déjouer la surveillance de mon gardien et confier ce courrier à la Loire. Je sais que seuls quelques départements dont la Nièvre sont concernés par la loi RIBOIS et qu’il faut alerter le monde extérieur pour espérer quelque secours. Je ne sais combien nous sommes dans cette situation mais si personne n’intervient, nous sommes indubitablement condamnés. Une clause de cette loi Ribois stipule que sont indésirables les descendants des déserteurs de la guerre de 14-18, or mon grand-père Maurice, musicien et anti-militariste s’est réfugié en Espagne avec son violoncelle. Il y a d’ailleurs vécu jusqu’à sa mort.

Je sais que pour vous qui résidez en zone libre cette histoire paraît bien invraisemblable, mais il en est pourtant ainsi. Cette loi a été mise en place pour désigner des boucs-émissaires, accusés à tort d’être en partie responsables du dysfonctionnement actuel de notre pays. D’après ce que j’ai compris on cible des gens différents, des solitaires surtout à caractère marginal et on les accuse des fautes de leurs ancêtres.

Vous qui me lisez, vous ignorez peut-être la peur qui étreint toute personne engluée dans cette situation absurde. Ma vie est en danger. En effet, chaque fois qu’il y a un trouble social important dans le département, on lapide sur la place principale de la ville un des fameux boucs-émissaires, cela rétablit paraît-il un certain ordre dans les affaires de la cité. Chaque ville du département lapide son bouc-émissaire. A ce rythme, il faut ans cesse renouveler le stock de prisonniers. Du fond de ma prison, je vous adresse cette supplique. Le début de la Ballade des pendus de François Villon me revient à l’esprit :
« Frères humains qui après nous vivez
N’ayez les cuers centre nous enduriez
Car, se pitié de nous pauves avez,
Dieu en aura plus tost de vous merciez3

Entendez-moi de grâce, ce qui arrive ici aujourd’hui peut se produire demain dans votre région. La loi Rebois peut se propager partout dans le pays si personne ne contre cette infamie. Rassemblez-vous, agissez, pour moi, pour nous, pour vous et vos enfants. De grâce, ne nous abandonnez pas.

Lettre de Patricia A

20 avril 2009

Mon amour, mon souffle de vie,


Hier, la sentence est tombée. Je suis condamné à 10 ans de prison. 10 ans d’enfermement dans une institution spécialisée où les barreaux aux fenêtres et la camisole seront mes lots quotidiens.… ils ont estimé que j’étais un fou dangereux !! Dans ma vie, je n’ai été fou que de ton corps, des méandres de la Loire et de mon violon.

Je leur ai murmuré la vérité, je l’ai criée, je l’ai hurlée…ils ne l’ont pas entendu. Je n’ai pas voulu, comme ils l’ont dit, souiller un symbole de la nation, je n’ai pas tué dans un accès de folie. Je ne suis pas fou !
Écoute moi, toi qui me connaît, toi qui sait que je ne suis pas fou, écoute moi ! Comprends moi, crois moi sinon je vais vraiment sombrer dans la folie pour ne plus revenir….tu es la dernière bulle d’oxygène qui me retient à la raison et à la vie…écoute moi, crois moi.

Tout a commencé le jour où Martin est arrivé à une répétition avec ce violoncelle. Martin disait à qui voulait l’entendre que cet instrument avait à sa manière fait la guerre de 14/18. Qu’il avait été au service de la nation. J’ai ri, ce violoncelle ressemblait plus à un vieil objet déglingué que tu trouves chez un brocanteur. Et puis, Martin s’est mis a joué du violoncelle. Des sons exceptionnels, d’une force et d’une beauté triste et envoûtante sont montés dans les airs. Les notes s’échappaient pour venir te percer le cœur, te torturer les tripes, de cisailler la chair. J’étais à vif et je captais à travers les sons toute une douleur humaine. La première répétition s’est finie, j’étais en lambeau. Il a fallu toute une nuit dans tes bras pour me reconstruire.

Lors des séances suivantes, les notes du violoncelle sont devenues des mots….je les comprenais. Le violoncelle s’est mis à me parler. Il m’a raconté la grande époque où chez la comtesse Hollande avec Maurice ils se délectaient des salons de velours. Il m’a décrit son départ sur le front, il m’a relaté les cris et les pleurs des hommes dans les tranchées…il pleurait en me disant ces hommes aux yeux d’enfants qui mourraient dans la boue… Le violoncelle avait la nausée. Dans toute cette boucherie, il continuait à jouer des notes claires et belles, il ne se supportait plus ..il ne voulait plus être une rose sur du fumier. Il voulait disparaître, mourir, oublier, se reposer, ne plus entendre ses râles de mourant enchâssées dans le bois de son corps à jamais. Il m’a demandé de l’aider à mourir.

Lors de notre dernière répétition, le violoncelle pleurait comme un enfant. Entre les mains de Martin, j’avais l’impression qu’il était comme violé. J’ai posé mon violon, je suis allé vers Martin, je lui ai arraché des bras son violoncelle et je l’ai frappé, frappé, frappé contre le sol. Martin hurlait, le violoncelle respirait enfin, je le sentais léger. Martin m’a ceinturé par derrière, je l’ai repoussé violemment ……..sa tête a cogné le coin de l’estrade. Je n’ai pas vu qu’il ne bougeait plus, j’étais en train de réduire le violoncelle en sciure.

Les jurés ne m’ont pas cru quand j’ai dit que les objets avaient une âme et que la mort de Martin était un simple accident.
Mon amour me crois-tu ? Un non de toi et j’exigerai la camisole à vie ..un oui de toi et ma prison deviendra une île où je continuerai à rêver de ton corps, de la Loire…où je garderai espoir.

Lettre de Philippe S

Maison d’arrêt de NEVERS le 8 août 1915


Très cher ami, c’est avec espoir que je fais appel a toi.
Me voici retenu à la maison d’arrêt de Nevers depuis quelques mois à cause d’une bien étrange affaire.
A la déclaration de guerre, il y a un an, on m’a sommé d’aller rejoindre mon contingent
Pour partir a la guerre, on m’a de suite incorporé dans la fanfare du régiment avec mon
Fidèle violoncelle, que tu appréciais tant quand on jouait alors chez la comtesse de Hollande.
Jusque là, pas de problème…
Depuis, on m’accuse d’insubordination, d’insoumission, d’impertinence et d’être irrespectueux.
Et tout cela, je pense, est arrivé un peu à cause de Mr mon violoncelle.
Voici les faits :
A chaque rencontre et représentation de notre fanfare, nous étions sommés de jouer des morceaux censés stimuler nos troupes, et tu sais bien, comme disait Brassens, « la musique qui marche aux pas, cela ne me regarde pas. »
Je tentais bien d’essayer d’exécuter ces horribles morceaux, mais fait étrange, une toute autre mélodie s’échappait alors de mon violoncelle, je n’étais alors plus du tout maître de mon instrument.
Il exécutait alors une musique propice à la joie, à la danse, à la révolte aussi et couvrait à lui tout seul tous les autres instruments de la troupe.
Ce fut pour moi, des moments de pure exaltation ou je n’étais plus qu’un simple exécutant.
Tu devines la suite, toutes ces vieilles barbes de généraux m’ont de suite accusé de tous les maux, de frayer avec l’ennemi et de saper le moral des troupeaux.
Finalement, je préfère encore ce climat de Nevers, bien qu’un peu humide certains soirs, que les frimas de l’Allemagne Mais il me manque cependant.
Une petite chose, mon vieil ami le violoncelle, a qui je dois sûrement d’être encore en vie aujourd’hui.
Je te confie la tache d’aller me le récupérer à la caserne Pimpon ou il doit se désespérer, au milieu de tous ces fantoches et, peut être contre un petit billet donné au gardien, pourras-tu me le faire parvenir.
Il sera pour nous, prisonniers, le plus beau des cadeaux.
Merci d’avance mon ami, prends bien gardes à tes abatis et portes toi bien.
Ton vieil ami.
Maurice.

Lettre de Rita

Non Maurice, je n’ai pas tué Marie-Pierre.

Bien sûr, j’étais avec elle ce fameux soir, le soir de ce concert à la Charité, quand elle a brusquement perdu la tête.

Tu te souviens ? Nous n’avions pas cessé de la regarder, cette belle fille avec sa robe rouge ; je suis sûr qu’avec ta jolie gueule d’ange tu lui aurais plu.
Mais tu n’as pas pu lui courir après quand elle a échappé aux pompiers et qu’elle a filé vers les quais de la Loire.
Quelle idée aussi de te balader sans cesse avec ton violoncelle…
Moi, je n’ai pas hésité à laisser mes partitions sur ma chaise, mon piano dormait bien au chaud à la maison.

J’ai eu du mal à la rattraper, elle courait vite. En même temps, je devais semer les pompiers qui étaient eux aussi à ses trousses avec le gyrophare, la sirène et tout le bazar, de quoi l’effaroucher encore davantage.

Mais je connais bien les bords de Loire. J’y allais pêcher quand on était mômes. Même qu’une fois j’avais trouvé une écrevisse vivante dans le ventre du poisson que j’avais attrapé. C’était dans le journal, tu t’en souviens ? ça nous a bien fait rigoler ;ça nous distrayait de nos gammes, arpèges et études quotidiens.
Quelle idée aussi de vouloir faire de nous des musiciens !
Moi, je voulais être facteur et toi pompier, justement. Mais les parents, eux…. À force de fréquenter la comtesse de Hollande, cette vieille cinglée qui leur parlait sans cesse de Mozart, Beethoven ou Vivaldi !

Bref, j’ai fini par repérer Marie-Pierre. Elle s’était réfugiée sur une toue cabanée. Les pompiers, eux, s’étaient éloignés, lancés sur une fausse piste par des badauds qui juraient avoir vu la jeune femme courir vers l’hôpital.

Je m’approchai. Marie-Pierre haletait et gémissait doucement.
À ce moment-là, je ne connaissais pas son prénom. J’ai posé doucement ma main sur son épaule, elle a jeté un cri et m’a lancé un regard de bête effarouchée.
Non, je n’en ai pas profité pour la violer comme cela a été dit au procès.
Tout ça sous prétexte qu’à cinquante-trois ans je vivais toujours chez maman et que je n’avais pas de succès auprès des femmes.

Non, je lui ai parlé doucement, je lui ai même chanté des berceuses de Schumann et Schubert ; je la tenais dans mes bras, sa tête au creux de mon épaule, enfin apaisée.

C’est à ce moment-là qu’elles sont arrivées. Je te le jure !
Je sais bien que ça paraît incroyable, Maurice, mon frère, je n’ai plus que toi maintenant que maman a sombré dans la démence.
Des écrevisses, Maurice, comme celle dans le ventre du poisson, des dizaines, des centaines d’écrevisses. Elles ont bouffé Marie-Pierre, je te jure, elles l’ont bouffée !
Tout y est passé, même la robe rouge.
J’ai juste eu le temps de m’enfuir ; de toute façon, je ne pouvais rien faire.

Maurice, dis-leur que je ne l’ai pas tuée.
Je sais bien qu’elle te plaisait Marie-Pierre, mais pourquoi avoir raconté aux flics que je m’étais jeté à sa poursuite ? Que j’étais un cinglé, un détraqué sexuel ?
Maurice, souviens-toi de toutes les fois où nous avons joué ensemble chez la comtesse de Hollande. Maurice, sors-moi de là !

Développer un article de presse surréaliste absurde ou fantastique !

Article : Le mauvais temps….

Depuis des semaines, des mois même, il pleut chaque jour ; et ces eaux viennent grossir la Loire qui déborde de son lit. Les eaux sont sales car chaque jour les égouts de la ville s’y déversent. En s’étendant sur les prairies du val, les eaux entraînent avec elles les détritus laissés par les promeneurs. La Loire et ses abords sont devenus une gigantesque déchetterie. Un pêcheur, observateur de cet environnement apocalyptique se demande « que vont devenir les poissons et toute la faune qui y vivent ».
Soudain, en homme habitué à scruter le bouchon de sa ligne, aperçoit un énorme silure échoué dans une nappe d’eau vaseuse. L’animal ne va pas survivre dans cette mare nauséabonde. Le pêcheur, à la stature imposante récupère le silure et le porte plus loin afin de la déposer dans un bras du fleuve, ce qui lui permettra de retrouver les eaux profondes.
Dans ce sauvetage périlleux, car le courant de la Loire à cet endroit est très rapide et le sol vaseux, l’homme est entraîné dans les eaux avec le silure. Au bout d’un temps qui lui paraît interminable, il est happé dans un tourbillon. Il arrive alors dans une cité incroyable et fantastique, il y règne une atmosphère d’une grande quiétude. Ce monde est peuplé de créatures poisson, et il retrouve le silure sauvé des vases malsaines.
-bienvenue l’ami, lui dit le silure, bienvenue dans notre monde ; mais ici point de pêcheurs !
-je suis pêcheur, dit l’homme, car j’ai besoin de prendre l’air et de me détendre quand je sors de l’usine. Alors sur les bords de Loire avec ma ligne, je me ressource. Mais ici, la vie semble si calme, si simple, je suis conquis par la quiétude qui règne dans ce monde, je n’aurai pas le besoin de pêcher. J’aimerai rester avec vous.
-tu n’as pas le choix, répond le silure, car le tourbillon qui t’a entraîné ici ne permet pas de remonter en surface. Moi seul ai le pouvoir de retourner dans le monde que tu as quitté.

France

mardi 22 septembre 2009

"Deux articles de presse pour une création"

Avec l’arrivée de l’été, le débit des textes s’est tari.
Toutes les actions ont fait barrage. Mais la digue du temps vient de céder et laisse s’échapper un flot de textes réalisés en compagnie d’Hervé Mestron et bien après lui en compagnie de Marie-Line Bizeul.


Petit rappel : A partir de ces deux textes, chaque écrivain en herbe doit poursuivre l’écriture de manière réaliste ou absurde ou fantastique. Le but étant d’utiliser un récit ancré dans la réalité pour décoller dans l’imaginaire.

Les articles pour l’inspiration :



La création :

Oui, elle s’était tenue bien sage… enfin, il s’était tenu bien sage sur son rebord de fenêtre.

Il ne s’appelle pas Jonas. Son nom à lui c’est… peu importe, l’essentiel c’est qu’il ne se soit pas fait bouffer par ce type.

La perche, c’était une couverture, c’est pas la faute des écrevisses si les perches sont assez naïves pour accepter de les transporter dans leurs entrailles sans se douter un seul instant de leur but.

N’empêche, il a eu peur; et il est inquiet. Si les hommes finissent par tout découvrir… Bien sûr qu’il ira tout raconter aux autres; comment le poisson a été pêché, comment il s’est senti tout à coup hissé hors de l’eau, la clarté du jour qui l’a aveuglé lorsque le ventre du poisson a été ouvert, cette chose dure et froide qui l’a effleuré.

Il a immédiatement pensé à faire le mort comme son équipier ; mais lui, il a eu moins de chance. Jeté au feu ! Réduit en cendres comme un vieil objet inutile.

Oui, il leur racontera tout. Le temps est compté. Il va falloir employer les grands moyens. La remise en état de la digue de la Chevrette a été un coup dur pour les écrevisses ; elles qui ont passé des mois, des années à la saboter. Il faudra tout recommencer. Mais cette fois, on passera à la vitesse supérieure…

Depuis longtemps déjà, les écrevisses ont volé aux hommes la formule de la Bombe. Elles ont longtemps hésité mais là, il n’est plus temps de réfléchir. Il faut agir, choisir ceux qui avaleront une bombinette avant de se précipiter contre la digue et de mourir pour le salut de leur espèce. Il en sera.

Gare au prochain qui mangera une écrevisse !

Rita


Les articles pour l’inspiration :


La création : A table !

- Passe moi le plat ! Passe moi le plat !!
T’as tout bouffé …t’as mangé toute la chair et tu n’as laissé que les os !! Grosse tanche !!! Tête de silure !! Je ne passerai plus à table avec toi !!

- Arrête de me saouler !! T’es assez gras, non ? ! Et puis arrête de me regarder avec tes yeux de merlan pas encore frit !! Va donc au bateau-lavoir. Tu passes d’abord chez la vieille Unroc croquer un petit amuse-gueule .. un asticot ou deux et après tu vas à la cave te choper un bout de viande fraîche. Il y en a plus de 300 tonnes .. 300 tonnes d’humains.
Tu as le choix non ?! Fait gaffe, tu prends la promo du jour !! Je crois que c’est de la Marie-Pierre dépressive !! Enfin bon tu verras …
Il me font marrer les hommes quand ils se ventent d’avoir des viviers de 3tonnes 5 de nos frères. Des petits joueurs, des morveux mal dégrossis avec des culs plus gros que leur cerveau. La preuve quand on leur suce la cervelle en quelques seconds …pfuit !! t’as plus rien.
Quoi, qu’est-ce qu’il y a ?? tu fais encore la gueule !?!

- Je n’aurai pas le temps de cuisiner !

- Tu sais quoi, ta bidoche tu la manges en sushi

- En quoi ? en SOUS CHI ???

- T’as vraiment pas de culture, faudrait sortir de ton trou quoi … Ca signifie que tu la manges crue, à la japonaise quoi !! Tu sais pas ce que c’est à la japonaise!! Bon, c’est vrai ..tu n’as pas la chance comme moi d’être un saumon. Arrête de gémir sur ta condition de gardon !! arrête de gémir ..tu me fatigues. Tient v’la Jack.

-(deux voix) Salut Jack ! Salut Jack !

-Alors il paraît que cette nuit, tu as eu chaud aux pinces ! Heureusement que les hommes en bleu sont arrivés. Ils t’ont récupéré au fond du sac du vieux père Blet. Et ils t’ont rejeté à la flotte. De toute façon le vieux Blet un de ces jours, on va le choper et il va intégrer notre vivier. Bon à 71 piges sa viande va être dur mais on le fera boucaner. T’inquiète pas Jack, on t’en laissera un bout. Patience ..la vengeance est un plat qui se mange à la japonaise ! Soyons positifs, ….Grâce à lui tu auras assisté en direct à ton premier eau d’artifice !!
Bon on va arrose ça chez la mère Unroc !! .. Comme ça "gardounet" pourra aussi se taper un bout de Marie-Pierre et cesser de gémir.

Patricia A