vendredi 25 septembre 2009

Les pêcheurs, les bateaux-lavoirs ou le pont de pierre pendant la guerre

Consigne : s’inspirer des extraits de presse concernant la destruction
du pont de pierre en juin 1940 et la mise en place de contrôle pour passer d’un côté du fleuve à l’autre, en faisant parler un témoin

Denise LG

Quel charivari dans la ville, les allemands arrivent à vive allure, quelle angoisse, ils ne sont pas commodes dit-on, ce n’est pas le moment pour moi d’aller taquiner l’ablette ou le goujon. Aïe les militaires du génie font sauter la 3ème arche du pont, certains d’entre nous sont consternés, d’autres très enthousiastes, si la bataille se passe à La Charité quel gâchis !
Si les allemands sont arrivés jusque chez nous sans encombre, je ne vois pas très bien quelle résistance efficace ils vont trouver ici, les jeunes ont été mobilisés, ils ne restent que les vieux, les femmes et les enfants. S’ils se sentent coincés ils vont devenir méchants.
Que puis-je faire avec mes 70 ans ? je connais bien tous les chemins, tous les sentiers, mais traverser la Loire en dehors du pont me paraît bien plus périlleux.
Maintenant nous croisons les tenues vert-de-gris, l’absence de pont les contrarie mais ne les arrête pas, certains traversent avec les véhicules amphibies, ils s’installent et jettent une passerelle métallique sur toute la longueur de l’arche écroulée.
Un silence lourd s’abat sur la ville, il va falloir vivre avec eux, à la mairie on délivre des laissez-passer pour aller sur les lieux de pêche, il m’en faut un si je veux continuer à vivre. Comment accepter de quémander quand je suis chez moi, que depuis tout gamin je fais ce que je veux n’importe où sur les bords de la Loire, de ma Loire, cela me coûte de devoir chaque jour, matin et soir, m’arrêter à la guérite et montrer mes papiers (« papir », pas pire !!!).
1940, 1941, 1942, 1943, ils restent là, c’est long, depuis peu on sent chez eux une certaine excitation et de l’Inquiétude, un travail de réfection du pont est entrepris puis stoppé, le débarquement est annoncé. En septembre 1944 les allemands quittent La Charité, en cadeau de départ ils détruisent le reste du pont côté ville. Quel crève-cœur !!
Après l’hystérie de la libération, entre joie, chagrin et vengeance je peux reprendre mon activité de pêcheur libre, une passerelle métallique est installée.
Vivrai-je assez vieux pour voir de nouveau un pont de pierre enjamber paisiblement le fleuve ?


Rita


Maman n’aime pas trop que je traîne avec Félix. Elle a peur, c’est la guerre ; elle est toujours triste surtout depuis que papa est prisonnier loin, très loin de la Charité.
Félix, c’est mon grand copain. Plus qu’un copain, un frère. Lui et moi, c’est à la vie à la mort.
Quand on sera grand, on sera chercheur d’or. De l’or, on en a bien cherché mais on n’a rien trouvé.
Si, une fois, une médaille comme celle qu’on m’a offerte pour ma communion mais Félix dit que c’est pas de l’or et le crois. Il est plus grand que moi, c’est presque un homme ; il a déjà un bateau qu’il laisse souvent à quoi, près à partir pour des expéditions de chasse. De chasse à quoi ? Peu importe… j’aimerais tellement embarquer avec lui et partir loin d’ici !
C’est pas que j’aime pas maman, mais elle est si triste ! Et si je trouvais de l’or, je lui en ramènerais plein, on se ferait construire un château, le château des pêcheurs on l’appellerait.
parce que moi, la pêche, j’adore ça. Mais attention, pas n’importe quelle pêche. Moi, ce que je préfère, c’est la pêche au blé, un truc que m’a appris Eusèbe, un drôle de type, grand, maigre, le teint mat, l’air toujours en colère mais gentil comme tout.
« Tu vois, petit, m’a-t-‘il expliqué, tu prends du blé et des harengs saurs arrosés d’eau de Pougues et tu laisses macérer. Tu vas voir, c’est autre chose que leurs asticots élevés au biberon.
J’ai jamais osé lui demandé pourquoi il fallait que l’eau vienne de Pougues ni lui dire que l’odeur de la mixture me donnait envie de vomir. Ça pue que c’en est pas croyable. Même mes vêtements s’imprègnent de l’odeur et maman râle à chaque fois quand je rentre. Mais elle est bien forcée d’admettre que ça marche et elle se radoucit en voyant tous les poissons que je lui ramène.
Il y a aussi Charles qui m’a appris à pêcher le saumon. C’est un vrai champion, il a même eu sa photo dans le journal… neuf saumons, de quoi avoir le sourire, disait la légende. Mais il ne souriait pas, Charles, sur la photo, il avait l’air drôlement sérieux. Je crois bien que c’est ce jour-là qu’il avait découvert le corps de Joseph, face Vauvrilly, pauvre Joseph… alors, forcément…
Et puis Charles et moi on se voit souvent. C’est notre passeur ; comme le pont est détruit et qu’on n’a pas de barque, c’est lui qui nous fait passer d’une rive à l’autre et pendant ce court temps il m’apprend comment installer le filet barrage pour attraper les saumons, manier la trouble pour les ramener à bord, il me montre la gourme où les conserver.
N’empêche, j’ai beau aimer la pêche, je serai quand même chercheur d’or et ce soir rien ne m’empêchera de partir à l’aventure avec Félix, même pas le regard triste de maman.



Françoise G : Le concours de pêche

Ce matin, je me suis levé de bonne heure et de bonne humeur (pourtant j’aime pas beaucoup me sortir des draps bien chauds et surtout à l’aube. Maman est toujours obligée de m’appeler plusieurs fois pour aller à l’école mais là, non ! )
Je vais à la pêche avec mon pépé Pierre et même au concours de pêche ! Mon pépé y m’a dit tu verras, c’est chouette. Je suis déjà allé à la pêche avec mon pépé qui accroche les vers et décroche les poissons, moi ça me dégoûte un peu.
Je ne sais pas très bien ce que ça veut dire un concours de pêche.
Mon pépé m’a inscrit.
Il m’a montré la carte avec mon nom, je vais la garder comme souvenir. Nous voilà partis, la canne et l’épuisette sur l’épaule, la boîte tabouret à la main. La boîte tabouret de mon pépé, quelle merveille !!
Moi, je n’ai que mon sandwich et une bouteille d’eau dedans mais pépé il a des hameçons, des mouches, des cuillers toutes brillantes. Les mouches, mon pépé il les fait lui-même et memée Louise n’aime pas qu’il arrache des plumes au coq, aux pintades et même à son plumeau !
Je n’ai pas trop le droit de toucher à tout ça. Je pourrais me piquer ou ce qui est pire encore emmêler les fils de nylon transparents. Pépé n’aime pas démêler ces fils, il peste : « Nom de Dieu de Bon sang de Bonsoir ». J’aime bien quand mon pépé jure mais memée elle n’est pas contente : « Pas devant le petit ». Elle vient aider pépé à démêler tout ça. Memée c’est une experte en démêlage (elle a l’habitude avec son tricot et son chat qui se fait un plaisir de tourner autour des pieds de chaise aussitôt qu’il peut saisir une pelote de laine).
On arrive sur les bords de la Loire. Pépé grogne et jure entre ses dents parce qu’il ne peut pas choisir sa place et que c’est Jules son pire ennemi pêcheur qui a tiré sa place favorite à l’ombre du grand arbre noueux.
On nous lit le règlement.
On jette notre appât.
On installe nos lignes.
Et le concours commence au coup de sifflet. On a 3 heures pour faire la meilleure pêche possible.
Tout est calme, les pêcheurs se concentrent, le public attend.
Alors, pépé me raconte les concours d’autrefois.
La rue principale de la Charité était pavoisée : des guirlandes, des drapeaux … Ca durait toute la journée.
Le matin à 8h00 on tirait une salve d’artillerie, on sonnait les cloches.
On se rendait à la gare pour accueillir les délégations des villes voisines. On venait de Nevers, Guérigny, Cosne, Prémery, Imphy, Fourchambault, Cercy-la-Tour, …
Quand ils descendaient du train bannières dressées la Philharmonie jouait des airs entraînants. Casquette en tête, les musiciens avaient fière allure.
Tout le monde se connaissait, ou s’apostrophait, on riait, on se remémorait les grands moments vécus ensemble.
Mémé accompagnée pépé, elle retrouvait les autres femmes de pêcheurs et elles aussi s’apostrophaient, riaient, se remémoraient les grands moments vécus ensemble.
Mémé ne venait plus au concours de pêche, elle était trop fatiguée et ses vieilles jambes ne pouvaient plus la porter et puis elle n’avait plus de copine dans les femmes de pêcheur.
Puis on redescendait vers la Loire, les notables en tête. Ces dames arborant de jolis chapeaux champêtres.
La société de pêche de pépé, c’était L’Ablette comme maintenant. Chaque société avait son nom brodé sur une bannière avec ses emblèmes.
Dans les sociétés, on se disputait pour être le porte-bannière alors on votait la veille.
Il y avait quelquefois des amertumes mais on riait après.
Chacun s’installait, les places étaient tirées au sort.
Au signal « Commencez le feu ! » le concours démarrait et ce qui était le plus drôle c’est que chaque fois qu’un poisson était sorti de l’eau, on sonnait le clairon. En ce temps là, il y avait beaucoup de poissons en Loire et le clairon de chômait pas. C’était joyeux.
A midi, il y avait une pause. Les femmes sortaient le pique-nique et l’installaient par terre sur une grande nappe à carreaux. On sortait les fillettes de vin de pays et ma foi ça s’échauffait un peu. L’après-midi, le concours se poursuivait avec les champions du matin. Les quolibets, les commentaires fusaient.
En fin d’après-midi, on sonnait la fin du concours et on pesait les poissons, tous les poissons. Y’avait pas de loi qui obligeait à rejeter à l’eau les poissons trop petits, comme maintenant.
Y’avait toujours de la contestation. Bien sûr !
Et puis, les gagnants étaient proclamés. Les prix attribués c’était plutôt intéressants 50Francs en argent et des prix en nature.
Moi, j’ai gagné une fois mais Jules lui a gagné deux fois, tu vois bien que c’est mon ennemi juré. Et dire qu’aujourd’hui encore il a tiré la meilleure place.
On donnait le poisson à l’hôpital, de quoi régaler tous les malades.
Le soir on remontait la ville pour raccompagner les délégations des autres communes. On mangeait dans une petite guinguette au bord de l’eau et on profitait de la fête : les manèges, le bal, une bataille de confettis, le concert de la Philharmonie et l’embrasement de la Saulaie.
On rentrait tout excités à la maison memée et moi.
On avait passé une merveilleuse journée.
Tu vois maintenant c’est moins drôle, il n’y a plus de musique et puis je n’ai plus beaucoup d’amis parmi les pêcheurs, tout le monde vient en voiture, il n’y a plus de fête ; il y a des règlements pour ci et pour ça. Et memée ne vient plus.
Oui mais moi, j’aime bien le concours de pêche avec mon pépé.
J’aime bien quand le fil se tend, quand le bouchon s’enfonce, quand on empoigne l’épuisette, quand on regarde le poisson tourner dans le seau.
J’aime bien quand le fil casse à cause des herbes ou quand il se prend dans une branche et que mon pépé jure et que ma mémé n’est pas là pour l’empêcher et qu’on rit tous les deux.


Patricia A : La fête aux poissons !

-« Mamie, mamie, dit ……cette photo c’était le jour de ton mariage ? Tu étais drôlement belle dans ta robe blanche !
Le bonhomme a côté de toi, au chapeau tout plat et aux grosses moustaches, il avait pas l’air d’être gentil …c’était quand même pas papy ?!
Mais au fait, il était ou papy ? .. C’était lui que tu attendais ? C’était pour lui la grande banderole « Soyez les bienvenus ! » Mais pourquoi les ? Pourquoi vous aviez écrits cela puisqu’on dirait que vous étiez pas contents ? En plus vous attendiez papy et les autres armés de bâton !! Mamie, pourquoi tu voulais taper papy ?

- Tu fais le bécassou ou quoi mon p’tiot. Tu vois bien que ce n’était pas moi, mais ma mère….ton arrière grand-mère quoi. C’était pour un concours de pêche.

- Bin !! pourquoi elle était en robe de mariée ta maman ? Pourquoi ils étaient tous en ligne sous la banderole ? Ils devaient attendre le coup de feu pour partir en courant aux bords de la Loire, pour pêcher ? C’est pour ça qu’une dame se tenait la robe ? Ca devait pas être facile de courir avec une robe de mariée !!

- mais non mon bécassou !! A cette époque les concours de pêche, c’étaient de grandes fêtes !! Chacun mettait ses plus beaux habits. Là sur la photo, les gens attendaient ..

- Bin, ils attendaient qui ? quoi ? Les poissons ?!!!! Mais pourquoi ils sont sur le pont ? Alors les poissons ils arrivaient sur des chariots , comme à l’époque d’Astérix et d’Obélix !! ….. Bin dit donc à l’époque, les gens ils étaient drôlement polis, ils souhaitaient la bienvenue aux poissons !!!!
Maman ! Maman ! Tu sais ce qu’elle vient de me dire mamie !!?

- Chut bécassou !! tu vas faire peur à ta mère …. »

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