mercredi 23 septembre 2009

La lettre

Vous devez rédiger une lettre.
Elle est envoyée de prison et est un appel au secours.

1. Elle doit stipuler :
De quoi êtes-vous accusé ? (à tord)
Ce qui est réellement arrivé ?

2. Elle doit prendre en compte et intégrer des éléments contenus dans le texte suivant :
« Juillet 1914. Maurice et moi, nous sommes chez la comtesse de Hollande, pour jouer un programme Schubert et Beethoven. C’est très agréable. J’ai toujours aimé les endroits chic et l’oreille des princesses. Mozart dans le velours des salons. Vivaldi et le printemps.
Lorsque la guerre est déclarée, entre la France et l’Allemagne, nous devons rejoindre notre contingent. Je n’ai pas mon mot à dire. Je ne suis qu’un violoncelle, au service de la nation. »


Lettre de Denise LG

Bonjour mon ami,

Tu vas rire, Rob, je suis au fond d’un cul de basse fosse, je veux dire à la prison de Nevers, le peu de ciel que j’aperçois ne me réconforte pas, je fredonne les saisons de Vivaldi et l’hiver a remplacé le printemps.


Je suis là depuis juillet 1914, après cette tragique soirée bien arrosée, il faut le dire, où nous nous sommes, soi-disant, battus le violoncelliste et moi pauvre joueur de triangle. Pourtant la soirée, chez la Comtesse de Hollande était prometteuse, tu penses, Schubert, Mozart, Vivaldi et Beethoven tout ça dans le velours des salons, tu imagines. Après le franc succès du concert, le buffet de l’hôtel a lui aussi tenu ses promesses, on s’est même déguisé, je portais une cagoule et je n’ai pas vu grand-chose, c’est là que mes ennuis ont commencés, je ne sais comment le chahut est parti, mais tout s’est retrouvé cassé, brisé y compris le violoncelle de Maurice, pièce rare, objet historique et la raison de vivre de son propriétaire.

Quand la police est arrivée, tous les protagonistes s’étaient égayés dans la nature…
Les policiers me sont tombés dessus et je suis accusé de dégradation en bande organisée, on peut dire qu’un orchestre est une bande organisée (le notre plutôt bien jusqu’à maintenant !)
Je t’assure que je ne suis pour rien dans l’histoire du violoncelle fracassé.

Je fais appel à toi, Rob, tu es mon ami depuis l’enfance et tu es avocat de renom qui plus est, défend ma cause, je t’en prie et sors moi de ce trou, même si je sais que les nouvelles ne sont pas bonnes dans le pays. Si la guerre est déclarée entre la France et l’Allemagne, je pourrai rejoindre mon contingent et me mettre au service de la nation.

Salut à toi, j’attends de tes nouvelles.
Antoine.

Lettre de Dominique D

Lettre de Jean à Marie-Pierre

Il pleut. Un petit coin de ciel gris apparaît derrière les barreaux. La cellule est calme, les copains jouent aux cartes et le temps s'écoule lentement. Depuis mon arrestation , j'ai rencontré le juge une fois, et je sais que je vais être fusillé pour désertion.
Désert de mes pensées qui se raccrochent à ton sourire, Marie-Pierre, et au souvenir des jours heureux.

Un soir, avec les copains, on a décidé de fuir, fuir la vie des tranchées et le reste: la mitraille, la peur au ventre, les hurlements des gradés ...
J'ai marché longtemps, et me suis retrouvé comme en rêve devant le petit château de la Pointe où en juillet 1914 nous sommes venus assister à ce concert, invités par la comtesse de Hollande. T'en souviens-tu ? Surtout du violoncelle au premier rang que des doigts virevoltants faisaient vibrer.
Le violoncelle est parti comme moi rejoindre son contingent, « au service de la nation « comme ils disent.
Je vais mourir demain, pour qui ? Pour quoi ?
Il me reste ton sourire.

Lettre de Françoise G

Chère maman,

Je te fais parvenir cette lettre par l’intermédiaire de mon avocat. J’ai beaucoup hésité à t’écrire, je sais que tu sera étonnée de cette lettre. Cela fait si longtemps que nous n’avons pas été en contact !

Peut-être as-tu appris ce qui m’arrive par les journaux, l’affaire a eu un grand retentissement, bien trop grand si tu vaux m’en croire.
Enfin, si tu ne le sais pas encore, je suis en prison. Je ne peux pas y croire !
Tout est sordide ici, le bâtiment est vieux et surtout très humide. Nous sommes quatre par cachot, chacun a une paillasse et une couverture qui ne donne aucune chaleur tant elle est humide.
Pas de chauffage ! c’est la guerre bien sur. Une petite lucarne trop haut placée. Elle seule permet de se repérer entre le jour et la nuit.
Quand à la nourriture c’est un brouet insipide dans lequel on fait tremper des quignons de pain dur.

Mes trois compagnons sont là depuis longtemps, ils sont si affaiblis qu’aucune réelle communication n’est possible.
Dire que je serai peut-être comme eux dans quelques mois (si je suis encore vivant).
Alors voilà, depuis que je suis ici et que je n’ai aucune occupation, je repense à mon enfance. Je te revois maman dans le salon de la maison, tu joues du piano et moi du violoncelle.
J’ai quatorze ans, je commence à très bien jouer, tu commences à être fière de moi. Mon professeur t’a dit hier que bientôt il te faudrait trouver un autre professeur car il m’a appris tout ce qu’il sait. J’ai vu que tu étais fière car tu rosissais de plaisir.
Je finis toujours par jouer seul ce morceau de Bach qui est ton préféré et que tu écoutes toujours les yeux fermés.

Donc, je suis parti pour Paris, je t’ai laissée à Bordeaux. Je suis parti chez ta sœur. Le conservatoire, les concerts, ..
Je suis remonté quelque fois à Bordeaux, cela m’était nécessaire au début.. Et puis … j’ai commencé les tournées en France et à l’étranger ..tu ne voulais pas m’accompagner. Tu n’es jamais venue à paris et moi je ne suis plus allé à Bordeaux.
Je t’ai écris et tu m’as répondu, mais nous n’avions plus grand chose à nous dire, nous vivions dans des mondes si différents.
Je ne t’ai plus écrit et toi non plus.
Maintenant, je pense à toi, à ton sourire, à tes bras. Maman, je voudrais que tu me prennes contre toi, que tu apaises mes chagrins, mes douleurs comme autrefois.
Mais trêve de rêverie, il faut que je t’explique tout.
Juillet 1914, mon violoncelle et moi nous sommes chez la comtesse de Hollande pour jouer un programme de Schubert et Beethoven. C’est très agréable. J’ai toujours aimé les endroits chics et l’oreille des princesse. Mozart dans le velours des salons, Vivaldi et le printemps. Je suis encore trop jeune pour être incorporé et quelques hauts personnages haut placés (dont la princesse de hollande) se targuent de me protéger. J’échapperai peut-être ainsi à la circonscription.
Je continue à voyager en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Belgique.
Il y a toujours du monde avec moi. La guerre ne me concerne pas. Et pourtant, un matin les militaires entrent dans ma vie.
Je répète mon prochain concert, quand on frappe à la porte. On me demande, et sans rien me dire on m’entraîne de force. Un officier s’empare de mon violoncelle sans le mettre dans l’étui. Je proteste : c’est un instrument précieux. Il rit : oh, oui l’instrument du délit. Et on me jette dans un cachot.
Je reste plusieurs jours sans aucun contact et puis on vient me chercher, on m’entraîne dans un bureau. Mon violoncelle est là, éventré sur le bureau, plusieurs officiers l’entourent. Et j’entends pour la première fois parler d’espionnage. Espionnage ! J’ai bien lu quelques romans sur le sujet. Je finis par comprendre que c’est moi l’espion. C’est moi qu’on accuse.
J’aurais passé des plans militaires secrets, je les aurais transportés au-delà des frontières dans mon violoncelle. Ils sont là ces maudits papiers dans mon violoncelle éventré.
On me les montre.
Je ne sais pas quoi dire. On me dit qu’on a arrêté tout le réseau, y compris la princesse de hollande.
Et je comprends alors que c’est vrai, j’ai transporté des documents sans le savoir. Un militaire est désigné comme avocat. Il n’y a plus d’espoir. Espion en temps de guerre, c’est le peloton d’exécution assuré. Maman, je t’écris
C’est peut-être pour demain
Maman, je t’en prie, écris-moi
Réponds moi
Maman, j’ai besoin de toi.
Ton fils qui t’aime.


Lettre de Lydie D

Au secours, au secours,
Que suis-je devenu, là, renfermé comme un voyou de guinguette des bords de Loire.
Madame la Comtesse, vous souvenez vous de nos printemps, quand les lilas dansaient sur Vivaldi ; aujourd’hui tout est bien fini, je suis blessé, il ne m’ont même pas soigné !
Je suis coupable disent-ils, condamné à perpétuité, à l’oubli !!!
J’ai cassé ma corde pendant une représentation pour les allemands donc pour eux je suis coupable, coupable d’avoir froissé l’oreille de ces brutes qui m’ont longuement maltraité.

Depuis des semaines Maurice et moi sommes renfermé dans cette pièce humide et poussiéreuse, sans peau de chamois pour nous caresser, sans cire pour nous nourrir, sans enfants pour nous chahuter et surtout sans vous pour nous faire jouer, chanter.
Madame la Comtesse venez nous libérer de cette prison, de ce grenier abandonné.
D’un vieux hublot nous apercevons, juste en face, le kiosque à journaux et ce vieux Charlie, vous savez l’orgue de Barbarie.
Maurice est enroué, son cuivre est martelé de coups, mais si nous sortons, nous retrouverons nos sons les plus printaniers, ceux que vous aimez.
Ma corde cassée ne pourra plus longtemps gratter ce vieux parchemin mais si cette lettre vous parvient...un jour, vous saurez a quel point les plus belles notes que nous avons joué étaient pour vous.
Axel votre fidèle violoncelle


Lettre de Maryline B

A vous qui lirez cette lettre, glissée dans une bouteille. Ce ne sera pas une bouteille à la mer mais une bouteille à la Loire.

Depuis plusieurs mois, je suis assignée à résidence à La Charité-sur-Loire. Je dois me cantonner la majeure partie de mon temps à mon deux pièces cuisine, sans moyen de communication avec l’extérieur. Disposant de deux heures de sortie par jour, j’espère déjouer la surveillance de mon gardien et confier ce courrier à la Loire. Je sais que seuls quelques départements dont la Nièvre sont concernés par la loi RIBOIS et qu’il faut alerter le monde extérieur pour espérer quelque secours. Je ne sais combien nous sommes dans cette situation mais si personne n’intervient, nous sommes indubitablement condamnés. Une clause de cette loi Ribois stipule que sont indésirables les descendants des déserteurs de la guerre de 14-18, or mon grand-père Maurice, musicien et anti-militariste s’est réfugié en Espagne avec son violoncelle. Il y a d’ailleurs vécu jusqu’à sa mort.

Je sais que pour vous qui résidez en zone libre cette histoire paraît bien invraisemblable, mais il en est pourtant ainsi. Cette loi a été mise en place pour désigner des boucs-émissaires, accusés à tort d’être en partie responsables du dysfonctionnement actuel de notre pays. D’après ce que j’ai compris on cible des gens différents, des solitaires surtout à caractère marginal et on les accuse des fautes de leurs ancêtres.

Vous qui me lisez, vous ignorez peut-être la peur qui étreint toute personne engluée dans cette situation absurde. Ma vie est en danger. En effet, chaque fois qu’il y a un trouble social important dans le département, on lapide sur la place principale de la ville un des fameux boucs-émissaires, cela rétablit paraît-il un certain ordre dans les affaires de la cité. Chaque ville du département lapide son bouc-émissaire. A ce rythme, il faut ans cesse renouveler le stock de prisonniers. Du fond de ma prison, je vous adresse cette supplique. Le début de la Ballade des pendus de François Villon me revient à l’esprit :
« Frères humains qui après nous vivez
N’ayez les cuers centre nous enduriez
Car, se pitié de nous pauves avez,
Dieu en aura plus tost de vous merciez3

Entendez-moi de grâce, ce qui arrive ici aujourd’hui peut se produire demain dans votre région. La loi Rebois peut se propager partout dans le pays si personne ne contre cette infamie. Rassemblez-vous, agissez, pour moi, pour nous, pour vous et vos enfants. De grâce, ne nous abandonnez pas.

Lettre de Patricia A

20 avril 2009

Mon amour, mon souffle de vie,


Hier, la sentence est tombée. Je suis condamné à 10 ans de prison. 10 ans d’enfermement dans une institution spécialisée où les barreaux aux fenêtres et la camisole seront mes lots quotidiens.… ils ont estimé que j’étais un fou dangereux !! Dans ma vie, je n’ai été fou que de ton corps, des méandres de la Loire et de mon violon.

Je leur ai murmuré la vérité, je l’ai criée, je l’ai hurlée…ils ne l’ont pas entendu. Je n’ai pas voulu, comme ils l’ont dit, souiller un symbole de la nation, je n’ai pas tué dans un accès de folie. Je ne suis pas fou !
Écoute moi, toi qui me connaît, toi qui sait que je ne suis pas fou, écoute moi ! Comprends moi, crois moi sinon je vais vraiment sombrer dans la folie pour ne plus revenir….tu es la dernière bulle d’oxygène qui me retient à la raison et à la vie…écoute moi, crois moi.

Tout a commencé le jour où Martin est arrivé à une répétition avec ce violoncelle. Martin disait à qui voulait l’entendre que cet instrument avait à sa manière fait la guerre de 14/18. Qu’il avait été au service de la nation. J’ai ri, ce violoncelle ressemblait plus à un vieil objet déglingué que tu trouves chez un brocanteur. Et puis, Martin s’est mis a joué du violoncelle. Des sons exceptionnels, d’une force et d’une beauté triste et envoûtante sont montés dans les airs. Les notes s’échappaient pour venir te percer le cœur, te torturer les tripes, de cisailler la chair. J’étais à vif et je captais à travers les sons toute une douleur humaine. La première répétition s’est finie, j’étais en lambeau. Il a fallu toute une nuit dans tes bras pour me reconstruire.

Lors des séances suivantes, les notes du violoncelle sont devenues des mots….je les comprenais. Le violoncelle s’est mis à me parler. Il m’a raconté la grande époque où chez la comtesse Hollande avec Maurice ils se délectaient des salons de velours. Il m’a décrit son départ sur le front, il m’a relaté les cris et les pleurs des hommes dans les tranchées…il pleurait en me disant ces hommes aux yeux d’enfants qui mourraient dans la boue… Le violoncelle avait la nausée. Dans toute cette boucherie, il continuait à jouer des notes claires et belles, il ne se supportait plus ..il ne voulait plus être une rose sur du fumier. Il voulait disparaître, mourir, oublier, se reposer, ne plus entendre ses râles de mourant enchâssées dans le bois de son corps à jamais. Il m’a demandé de l’aider à mourir.

Lors de notre dernière répétition, le violoncelle pleurait comme un enfant. Entre les mains de Martin, j’avais l’impression qu’il était comme violé. J’ai posé mon violon, je suis allé vers Martin, je lui ai arraché des bras son violoncelle et je l’ai frappé, frappé, frappé contre le sol. Martin hurlait, le violoncelle respirait enfin, je le sentais léger. Martin m’a ceinturé par derrière, je l’ai repoussé violemment ……..sa tête a cogné le coin de l’estrade. Je n’ai pas vu qu’il ne bougeait plus, j’étais en train de réduire le violoncelle en sciure.

Les jurés ne m’ont pas cru quand j’ai dit que les objets avaient une âme et que la mort de Martin était un simple accident.
Mon amour me crois-tu ? Un non de toi et j’exigerai la camisole à vie ..un oui de toi et ma prison deviendra une île où je continuerai à rêver de ton corps, de la Loire…où je garderai espoir.

Lettre de Philippe S

Maison d’arrêt de NEVERS le 8 août 1915


Très cher ami, c’est avec espoir que je fais appel a toi.
Me voici retenu à la maison d’arrêt de Nevers depuis quelques mois à cause d’une bien étrange affaire.
A la déclaration de guerre, il y a un an, on m’a sommé d’aller rejoindre mon contingent
Pour partir a la guerre, on m’a de suite incorporé dans la fanfare du régiment avec mon
Fidèle violoncelle, que tu appréciais tant quand on jouait alors chez la comtesse de Hollande.
Jusque là, pas de problème…
Depuis, on m’accuse d’insubordination, d’insoumission, d’impertinence et d’être irrespectueux.
Et tout cela, je pense, est arrivé un peu à cause de Mr mon violoncelle.
Voici les faits :
A chaque rencontre et représentation de notre fanfare, nous étions sommés de jouer des morceaux censés stimuler nos troupes, et tu sais bien, comme disait Brassens, « la musique qui marche aux pas, cela ne me regarde pas. »
Je tentais bien d’essayer d’exécuter ces horribles morceaux, mais fait étrange, une toute autre mélodie s’échappait alors de mon violoncelle, je n’étais alors plus du tout maître de mon instrument.
Il exécutait alors une musique propice à la joie, à la danse, à la révolte aussi et couvrait à lui tout seul tous les autres instruments de la troupe.
Ce fut pour moi, des moments de pure exaltation ou je n’étais plus qu’un simple exécutant.
Tu devines la suite, toutes ces vieilles barbes de généraux m’ont de suite accusé de tous les maux, de frayer avec l’ennemi et de saper le moral des troupeaux.
Finalement, je préfère encore ce climat de Nevers, bien qu’un peu humide certains soirs, que les frimas de l’Allemagne Mais il me manque cependant.
Une petite chose, mon vieil ami le violoncelle, a qui je dois sûrement d’être encore en vie aujourd’hui.
Je te confie la tache d’aller me le récupérer à la caserne Pimpon ou il doit se désespérer, au milieu de tous ces fantoches et, peut être contre un petit billet donné au gardien, pourras-tu me le faire parvenir.
Il sera pour nous, prisonniers, le plus beau des cadeaux.
Merci d’avance mon ami, prends bien gardes à tes abatis et portes toi bien.
Ton vieil ami.
Maurice.

Lettre de Rita

Non Maurice, je n’ai pas tué Marie-Pierre.

Bien sûr, j’étais avec elle ce fameux soir, le soir de ce concert à la Charité, quand elle a brusquement perdu la tête.

Tu te souviens ? Nous n’avions pas cessé de la regarder, cette belle fille avec sa robe rouge ; je suis sûr qu’avec ta jolie gueule d’ange tu lui aurais plu.
Mais tu n’as pas pu lui courir après quand elle a échappé aux pompiers et qu’elle a filé vers les quais de la Loire.
Quelle idée aussi de te balader sans cesse avec ton violoncelle…
Moi, je n’ai pas hésité à laisser mes partitions sur ma chaise, mon piano dormait bien au chaud à la maison.

J’ai eu du mal à la rattraper, elle courait vite. En même temps, je devais semer les pompiers qui étaient eux aussi à ses trousses avec le gyrophare, la sirène et tout le bazar, de quoi l’effaroucher encore davantage.

Mais je connais bien les bords de Loire. J’y allais pêcher quand on était mômes. Même qu’une fois j’avais trouvé une écrevisse vivante dans le ventre du poisson que j’avais attrapé. C’était dans le journal, tu t’en souviens ? ça nous a bien fait rigoler ;ça nous distrayait de nos gammes, arpèges et études quotidiens.
Quelle idée aussi de vouloir faire de nous des musiciens !
Moi, je voulais être facteur et toi pompier, justement. Mais les parents, eux…. À force de fréquenter la comtesse de Hollande, cette vieille cinglée qui leur parlait sans cesse de Mozart, Beethoven ou Vivaldi !

Bref, j’ai fini par repérer Marie-Pierre. Elle s’était réfugiée sur une toue cabanée. Les pompiers, eux, s’étaient éloignés, lancés sur une fausse piste par des badauds qui juraient avoir vu la jeune femme courir vers l’hôpital.

Je m’approchai. Marie-Pierre haletait et gémissait doucement.
À ce moment-là, je ne connaissais pas son prénom. J’ai posé doucement ma main sur son épaule, elle a jeté un cri et m’a lancé un regard de bête effarouchée.
Non, je n’en ai pas profité pour la violer comme cela a été dit au procès.
Tout ça sous prétexte qu’à cinquante-trois ans je vivais toujours chez maman et que je n’avais pas de succès auprès des femmes.

Non, je lui ai parlé doucement, je lui ai même chanté des berceuses de Schumann et Schubert ; je la tenais dans mes bras, sa tête au creux de mon épaule, enfin apaisée.

C’est à ce moment-là qu’elles sont arrivées. Je te le jure !
Je sais bien que ça paraît incroyable, Maurice, mon frère, je n’ai plus que toi maintenant que maman a sombré dans la démence.
Des écrevisses, Maurice, comme celle dans le ventre du poisson, des dizaines, des centaines d’écrevisses. Elles ont bouffé Marie-Pierre, je te jure, elles l’ont bouffée !
Tout y est passé, même la robe rouge.
J’ai juste eu le temps de m’enfuir ; de toute façon, je ne pouvais rien faire.

Maurice, dis-leur que je ne l’ai pas tuée.
Je sais bien qu’elle te plaisait Marie-Pierre, mais pourquoi avoir raconté aux flics que je m’étais jeté à sa poursuite ? Que j’étais un cinglé, un détraqué sexuel ?
Maurice, souviens-toi de toutes les fois où nous avons joué ensemble chez la comtesse de Hollande. Maurice, sors-moi de là !

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