mardi 26 mai 2009

"Deux articles de presse pour une création

Petit rappel :A partir de ces deux textes, chaque écrivain en herbe doit poursuivre l'écriture de manière réaliste ou absurde ou fantastique. Le but étant d'utiliser un récit ancré dans la réalité pour décoller dans l'imaginaire.

Les articles pour l'inspiration :




La création : Popeye a disparu

La porte de la chambre du gosse était encore fermée à clé. Pff. Cette fois, ça n'allait pas se passer comme ça : elle lui avait déjà dit de ne pas verrouiller : on ne sait jamais ? s'il avait un malaise ? ou un incendie ? ou s'il était enlevé par un pervers qui aurait escaladé le mur du parc Adam avec une corde enroulée autour du corps et un rouleau de scotch dans une poche, et qu'il se serait hissé jusqu'à la fenêtre de la chambre accroché à la gouttière ? Hein ? Bon.

De toutes façons, c'était l'heure de se lever. Déjà qu'avec cette histoire d'éclipse de lune, ça avait mis la tête à l'envers de tout le département ! Que tout le monde était resté tard à bayer aux corneilles, le nez en l'air pour voir disparaître la lune dans un fracas de lumière d'or, qu'on se serait cru dans un film de Spielberg ! Ouais, c'est ça : la lumière avait été tellement étrange qu'on aurait dit qu'elle jouait de l'orgue... Amélie soupira. Ca allait être joli à l'Hôpital Psychiatrique. Quand la pleine lune arrivait, c'était déjà la panique à bord du Titanic, mais là, ça ressemblerait ...aux derniers jours de Pompeï.
Amélie secoua la poignée de la chambre de Popeye.
" Oh, Popeye ! Réveille toi, c'est l'heure ! Popeye, tu m'entends ? Allez, Bouge de là ! ".

Puis elle redescendit. Prépara le café, le lait, les tartines. Mais quand au bout de dix minutes, le Popeye n'était pas encore arrivé en traînant ses Converses et en se grattant frénétiquement la tignasse, qui suivant les saisons et les impératifs de la mode qui trotte chez les djeun's allait de la perruque néandertalienne au style FBI Quantico. Amélie ronchonna un moment et alla chercher son coupe-papier qui fait quelques fois office de tournevis. Elle trifouilla la serrure de Popeye. Ce n'était pas la première fois qu'il fallait agir ainsi. La porte s'ouvrit et elle alluma.
La terre s'ouvrit sous elle. Le lit n'avait pas été défait. Les tiroirs avaient été vidés de leur contenu. L'armoire ouverte avait recraché tous les vêtements, des papiers éparpillés jonchaient le parquet. La poubelle avait été renversée.
Tout était sens dessus dessous.
La fenêtre était fermée.
Popeye avait disparu.

Le cri que poussa Amélie alerta la voisine qui se précipita et qui eut juste le temps de la recevoir dans ses bras avant qu'elle ne se fracasse la tête sur le coin de la table en verre.

Pendant l'enquête de gendarmerie qui suivit la disparition de Popeye, on posa beaucoup de questions à la famille, aux voisins, aux amis. Rien ne ressortit de vraiment probant. Oui, Popeye était un ado dépressif et affamé. Mais ça n'était pas nouveau. Non, Popeye n'était pas un génie de l'informatique ou un fou de maths. C'est un ado comme les autres : pénible, grognon, fainéant selon ses parents, charmant, drôle, craquant, selon ses amis. AmiEs.
On le chercha dans le Parc.
On dragua la Loire jusqu'à Cosne.
On visita toutes les sablières.
On lança des avis de recherches.
On surveilla les blogs.
Popeye avait vraiment disparu.

Puis un jour, un petit flic plus futé que les autres (ou peut-être plus renseigné...) eut une théorie qu'il soumit à ses chefs. Pour s'en débarrasser (car le bonhomme avait la réputation d'être collant comme du papier tue-mouches, têtu comme une belle-mère et hargneux comme un silure, ou l'inverse ? on lui permit de passer de nombreuses heures aux Archives départementales et même de compter ses heures supplémentaires.
Il fit des recherches, prit des notes, élabora des recoupements.
Voici ce qu'il découvrit.

Depuis cent ans (et parce qu'il avait difficilement pu remonter plus loin), à chaque évènement climatique un peu exceptionnel, une crue, une débâcle, une canicule, une éclipse, une tempête, que sais je ? A chaque fois donc, dans la nuit qui suivait, on assistait à un curieux phénomène : des gens disparaissaient subitement. Mais le plus curieux, c'est qu'on ne retrouvait JAMAIS les corps. Depuis toujours, on finissait par conclure qu'ils étaient tombés dans la Loire et bonsoir Clara.
Mais voila. Il y avait autre chose. Moins spectaculaire, moins visible, moins repérable. On avait mis sur le compte de jeunes hooligans (ou de bolcheviks, ou des apaches, ou des beatniks ou des terroristes suivant les époques et l'orientation politique du député, donc du canard) des tas de déprédations de matériel public ou privé sans qu'on n'en connût jamais le ou les auteurs, le jour même de ces disparitions, dans un périmètre proche du lieu desdites disparitions. En y regardant de plus près, on pouvait se rendre compte en passant les articles des journaux au peigne fin et en interrogeant les témoins qu'il existait entre toutes ces destructions de matériel un point commun : les contrevenants semblaient être doués d'une force surnaturelle pour perpétrer leur forfait, car la manière de procéder correspondait plus à un bulldozer qu'aux manières raffinées en vigueur à Oxford : les objets, fort lourds ou scellés avaient été retrouvés à plusieurs centaines de mètres de leur lieu d'origine, ou balancés par-dessus le pont, voire même pour une certaine charrette à bœufs (sans les bœufs) TRES lourde et très rustique, transformée en petit bois de chauffe, à huit cents mètres du hangar où elle reposait après son dur labeur.
JAMAIS l'alerte n'avait été donnée.
JAMAIS on n'avait crié une seule fois " Au voleur "
JAMAIS un seul chien n'avait aboyé.
Rappelez vous : ces évènements se passaient toujours un jour de catastrophe naturelle : ces jours exceptionnels sont l'occasion pour le petit peuple de se réjouir du malheur des autres, et donc d'être aux aguets derrière ses persiennes, afin de voir comment le malheur s'abat sur une maison, et ainsi pouvoir adapter sa compassion à l'aune du préjudice subi.

Et voilà donc que le soir où Popeye avait disparu, soir d'éclipse entre tous, la camionnette de Jean Cornu, plombier de son état avait été retrouvée désossée, les sièges déchiquetés, l'outillage professionnel répandu autour de la carcasse. Rien n'avait été volé. Tout était calciné.
Personne n'avait rien vu. Rien Entendu. Popeye avait disparu. Sa porte et sa fenêtre étaient verrouillées.

Au lieu de s'éclaircir, le mystère s'épaississait.

Quand l'enquêteur évoqua la possible intervention d'extra-terrestres kidnappeurs et casseurs de bagnoles, on jugea plus prudent de le muter sur une enquête plus calme.

A l'heure qu'il est, l'affaire est classée.


Marie-Laure R

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