jeudi 23 avril 2009

Les dernières productions de l'atelier "Marée de mots"


LES DERNIERES PRODUCTIONS DE L’ATELIER "MAREE DE MOTS"

lire l’article explicatif sur ce blog en date du 6 avril 2009


AU FIL DES MOTS...

Je m’appelle Jard. Je suis né il y a fort longtemps. Si longtemps qu’on ne m’écrivait même pas.
J’aimais les oies blanches dont les plumes me chatouillaient. Je vivais au milieu des fleurs et des arbres. En ne changeant qu’une lettre de mon nom, on pouvait me manger le soir à la veillée, grillé dans la cheminée. Mais l’instant s’est enfui.
Je préfère me souvenir et me chauffer au soleil tout rond, tout chaud, en regardant couler la Loire…
J’aimerais musser, c’est si doux à prononcer. Prendre mon temps sur les plages où roulent les galets. Pourtant, j’ai décidé de changer. Aujourd’hui je me jette à l’eau, je ne cherche plus à me cacher. Je veux voyager.
Une fillette s’approche. Elle a un petit nez tout rond et des tâches de rousseur.
Je crois que c’est le moment. Elle va me choisir et je partirai très loin. Voir la mer peut-être. Elle s’éloigne… Trop tard ! J’espère juste ne pas finir comme une bouteille en plastique ballottée par les remous.
Enfin, ça y est ! Je suis dans l’eau. Je vois des poissons autour de moi. Si j’essayais de les chaver ? Moi… qui ne suis qu’un galet.
Françoise T.


REVES DE LOIRE

Cette nuit-là, j’en étais sûre, la pêche serait bonne. Je m’étais relevée après quelques heures de sommeil. La veille, j’avais appâté généreusement. J’avais sorti mon moulinet tout neuf, installé prés de moi mon épuisette. A portée de main, fraîchissait dans l’eau une fillette de vin du pays. La lune s’effaçait peu à peu derrière les nuages, le ciel commençait à s’éclairer. Un poisson tout rond, blanchâtre, surgit alors dans un petit tourbillon, flottant tel un gros bouchon : un vrai poisson de lune.
Je me préparais à lancer ma ligne et puis je renonçais, il semblait si confiant, si fragile, je me sentais coupable de le déranger. Je n’étais pas à ma place. Le soleil pointa. L’eau rougit. Je remballais, pas besoin du garde-pêche pour me chasser cette fois. Déçue, je me suis mis à marcher.
Marcher, marcher. Voilà qui allait me calmer, me remettre les idées en place.
Marcher, marcher, sur ce sentier qui longe le fleuve, perdue dans mes pensées. Je finis par m’apaiser, mon regard se posa plus loin. Et je vis la toue. Je ne l’avais pas devinée dans la brume. Elle était là, se balançant au gré du vent, retenue par sa chaîne. Une bourde se dressait contre la cabane en bois, une grande perche fantomatique, inutile, abandonnée.
Je continuais mon chemin.
Musser ?
Mussera, mussera pas ?
Mousser ?
Moussera, moussera pas ?
Je n’aime pas quand ça mousse, surtout quand ça mousse jaunâtre.
Mais musser ?
Je n’aime pas musser ?
Qui sait ?
Qui musse ?
Pourquoi musser où musser ?
Et bien, allons voir ça de plus près. Osons musser !
Et si musser ne m’amuse pas, je pourrai toujours me cacher dans les joncs de la berge, loin de la mousse jaunâtre que décidément, je n’aime pas.
Mes pas me ramènent sur la plage. Sur le sable, machinalement, mes yeux cherchent ces jards que j’aime tant. Ceux de la Loire, n’ont pas la fantaisie dans les couleurs et les formes, de ceux que je trouve au bord de l’océane. Ces galets que j’aligne sur mon bureau. Mais quelques uns, bien plats, me permettent quelques ricochets.
1, 2, 3, 4 rebonds, ce n’est pas aujourd’hui que je battrai mon record.
Je m’en retourne, cette fois tranquillement, prête à entamer ma journée.
Françoise G.


JEAN

Au bord du fleuve depuis toujours, Jean roule sa bosse bosselle et bosselée.......... Elle l'entraîne dans les méandres de sa vie : les plages du silence, les remous du regret, le soleil des envies, les herbes amères . La toue , toupie tourbillonnante, l'emporte ramasser les nasses d'osier où frétillent les anguilles.
Ce soir, à l'abri dans la cabane de son bateau , il est aux aguets........ le laca arrive.
Depuis plusieurs jours les eaux montent et au pont de La Charité, le flot enfle et gronde. Les pluies torrentielles ne vont pas tarder à se déverser. C'est la crue, la grande crue, celle qu'on annonce et redoute. Il pense aux chevaux dans les prés plus bas, il doit les préserver.................
Dominique D.


A LA PECHE

Pendant les vacances scolaires d’été, je passais tous les ans quelques jours chez mes grands parents qui habitaient au bord de la Loire. C’était génial ; grand mère Juliette et grand père Jules connaissaient plein de choses que je n’apprenais pas à l’école.
Par exemple la pêche à la ligne.
Nous avons préparé le matériel hier et Jules m’a expliquée l’usage de la canne, la ligne avec un fil presque invisible, l’ hameçon très piquant, les plombs pour donner du lest, le bouchon qui va flotter sur la surface de l’eau et que je devrais observer attentivement, un filet métallique à petite maille pour mettre le poisson pêché, une boîte avec des asticots.
Pas de grasse matinée. Si on veut revenir avec une friture pour le dîner, il faut arriver tôt sur le lieu de pêche favori de Jules. Chacun est chargé de son matériel, Jules porte aussi le casse croûte de midi dans sa musette. Il n’a pas oublié sa fillette qui est sa dose de vin ( de Loire bien entendu) par repas ; 30 centilitres , c’est raisonnable et suffisant argumente Jules. C’est un mot qui m’a toujours amusée. Une fillette pour une boisson interdite aux enfants !
Nous devons d’abord passer sur la chevrette. Attention à ne pas tomber ! la petite digue étroite est suivie d’un chemin de galets. Je suis pieds nus et j’avance lentement. Ces jards sont très inconfortables et je dois rester en équilibre si je ne veux pas m’étaler avec tout mon matériel ; ce qui donnerait raison à Jules qui m’avait bien prévenue que le chemin serait difficile sans chaussure.
Ca y est, je suis installée pas loin de Jules, la canne à pêche à la main, les pieds dans l’eau, le chapeau sur la tête, la boite d’ asticots accrochée à la ceinture, le filet métallique à côté de moi posé dans l’eau. Je guette mon bouchon en silence.
-Surtout ne fais pas de bruit, ça fait partir les poissons, m’a recommandé Jules.
Au bout d’un moment je lève les yeux de mon bouchon et je vois passer tranquillement descendant le courant, un drôle de bateau ; il est tout plat et il a une cabane.
-C’est une toue, me dit jules tout bas, regarde elle va musser. En effet je la vois se cacher derrière une île. Elle réapparaît plus loin puis se cache à nouveau derrière la végétation.
Je reprend l’observation de mon bouchon. Cette fois, un peu d’action. J’ai un tout petit poisson accroché à l’hameçon. Je le décroche maladroitement et le met dans mon filet, accroche à nouveau un asticot. Je relance ma ligne et je sens des chatouillement sur les pieds. Des petits poissons frétillent à mes pieds et mangent les asticots que j’ai fait tomber de la boite tout à l’heure ! J’essaie de chaver mais c’est difficile d’attraper les poissons à la main. Ce jeu me délasse car il m’est difficile de rester tranquille sans bruit, et sans parler, ou seulement à voix basse.
Entendant Jules ranger sa canne à pêche et ses accessoires, je fais de même en pensant que le chemin de retour va encore mettre mes pieds à rude épreuve. Il n’ y a qu’un seul poisson dans mon filet mais celui de Jules est bien garni. Il y aura quand même de la friture pour le dîner !
France B.


DES MOTS ENCORE DES MOTS

Le mot "chevrette" : petite digue
Le mystère de l’eau remonte à ma toute petite enfance, mes grands-parents étaient de modestes paysans dans une ferme isolée près d’un vieux lavoir où des souvenirs sont solidement ancrés dans ma mémoire.
Chaque semaine ma grand-mère faisait la grande lessive …machine à laver nenni…la grande lessiveuse déversait son écume pendant des heures sur la vieille cuisinière. Le jour J toujours le même, le vendredi je crois, j’accompagnais ma grand-mère au lavoir, ce lieu magique avec toutes les peurs qu’il suscitait en moi. Je devais être très sage car ma grand-mère me disait qu’un monstre dormait au fond de l’eau mais surgissait si les enfants étaient désobeissants !...Pendant qu’elle maniait son battoir sans ménagement sur les gros draps de lin, j’allais conter mes angoisses à Chevrette, la petite chèvre attachée à un piquet près du lavoir, elle semblait me comprendre et me dire qu’elle pourrait maîtriser le monstre s’il s’avisait à sortir de l’eau !Serait-elle à la hauteur de la force d’un monstre ?Je réfléchissais avec mon âme d’enfant :Il aurait fallu installer une digue pour l’empêcher de surgir, mais utopie, une digue n’est pas adaptée à un lavoir mais à un fleuve !Le mystère demeurait au fond de l’eau, même si elle était paisible en surface,c’était sans doute un tourbillon en profondeur, bien des secrets étaient cachés par des créatures qui font peur aux enfants !

Le mot "laca" : pluie torrentielle
Le mystère de l’eau demeurait en moi, j’ai grandi depuis ces turbulences et j’ai retrouvé ce côté mystérieux de l’eau quand, adulte, je me suis installée en bord de Loire. J’ai fait alors la connaissance de Laca, un vieux pêcheur qui allait continuer à alimenter mes fantasmes d’enfant en me parlant de dame Loire qu’il connaissait si bien. Il en avait vécu des événements et il avait à sa manière apprivoiser le fleuve sauvage.
Qu’il avait admiré les couleurs chatoyantes des couchers de soleil se reflétant sur l’eau, mais qu’il avait redouté aussi les pluies torrentielles accompagnées des roulements de tonnerre !

Le mot "bourde" perche et "jards" : galets de Loire :
Laca répétait inlassablement "eau mystérieuse, mémoire vivante de tant d’événements que tu as sournoisement réservé aux hommes imprudents, tu as dû réagir à leurs bourdes , ils avaient oublié la prudence, l’humilité face à ta force parfois dévastatrice. Je sais moi que s’aventurer sur la Loire mérite réflexion, une embarcation solide sans oublier la perche pour avancer car tes bancs de sable sont inattendus et invisibles !Alors je je me mettais à rêver et je me voyais sur l’embarcation de Laca !...
Nous naviguons tranquilles... "et je propose une petite escale sur la petite île là-bas pour se reposer et observer un drôle d’oiseau qui mange des galets comme des jars mangent du pain dur ! C’est à la fois difficile,inquiétant et fascinant de voguer sur ce miroir qu’est la Loire !

Le mot "gabarre" embarcation qui se déplace lentement :
C’est reparti nous gabarrons jusqu’à la prochaine escale et admirons le paysage magnifique des bords de Loire, un castor surgit d’un buisson, se lisse les moustaches avant de continuer son travail de destruction. Notre embarcation est très stable, silencieuse en harmonie avec le calme de l’endroit, elle glisse doucement ce qui nous permet de ne rien manquer du théâtre vivant qui se joue autour de nous.

Le mot "musser" : cacher
Je vais me musser au fond du bateau pour mieux observer la biche cachée avec ses petits là-bas derrière le bosquet, les oreilles aux aguets !

Le mot "toue" : embarcation avec une cabane
L’air est frais en cette soirée d’automne et Laca est pris d’une vilaine toux, il a dû prendre froid alors j’émets l’idée qu’il pourrait remplacer sa vieille gabarre par une embarcation avec une cabane, ainsi nous pourrions faire halte pendant la nuit et profiter d’un nouveau spectacle de la nature en nocturne.
Mes peurs s’estompaient devant toutes ces merveilles que Dame Nature nous offre. Je suis en sécurité avec Laca, pêcheur expérimenté.

Je savais maintenant que le monstre du lavoir n’avait pas migré jusqu’au fleuve royal !!!!

Laca n’est plus de ce monde mais je le remercie pour la richesse de ses propos qui sont soigneusement inscrits dans ma mémoire et je peux contempler la Loire de ma fenêtre chaque jour avec le même plaisir.
Danielle E

Et bientôt des productions issues d'autres ateliers...

3 commentaires:

  1. Vive la diversité, les différences et le partage ........ vive ce petit groupe !!!! L.D

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  2. et aussi vive Marie-Pierre, la baleine de Viviane et vivement tes mots Patricia, je suis préssée de les lire, ils m'ont ému aux frissons. Moi

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  3. Commentaire: comment taire tant de talent !!! encore moi?

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